Psychothérapie, psychanalyse...

Combien de temps ça dure ?

Une psychothérapie ou une psychanalyse consiste en un travail de fond.


En effet,  jamais un simple conseil, une recommandation ou encore une méthode clef-en-main n’aura permis la résolution complète de symptômes souvent installés de longue date dans la vie de l’être. 


L’apaisement de tensions et le mieux-être passager, tout comme la hausse de moral périodique ne constitue pas une solution pérenne pour bâtir son désir et construire sa vie future. 


Au contraire, ce que vise la psychothérapie avec un clinicien formé à la méthode psychanalytique concerne bien plutôt la levée de nombreuses inhibitions (telles que la peur, la timidité, la perte de confiance en soi, etc.). Ainsi que la diminution et progressivement, la disparition de nombreux symptômes (psychiques, organiques ou corporels).


Elle tend aussi à ce que ces symptômes ne se déplacent pas dans d’autres sphères de la vie affective et comportementale : une conduite d’évitement phobique laissant place en s’atténuant à des difficulté d’ordre sexuel par exemple, ou encore un comportement obsessionnel devenant un trouble alimentaire, etc.

C’est pourquoi la traversée d’une cure doit s’envisager sur le long terme. Ce qui ne signifie pas qu’elle sera nécessairement longue, au contraire. L’être sera arrivé à bond port et sortira de cure lorsque les symptômes pour lesquels il était venu rencontrer le psychologue ne seront plus présents : lorsqu'ils seront réglés au regard du patient.

Il n’est donc pas obligé qu’elle dure des années, mais pour autant la cure doit s’inscrire dans la durée pour que des changements de fond puissent opérer et être signifiants au quotidien.

Bien sûr, nombreux sont ceux qui disent vouloir « se débarrasser rapidement » de leurs symptômes. Ce souhait trouve sa raison d’être dans l’insupportable d'une souffrance quotidienne qui a déjà fait le lit de nombreuses déceptions personnelles (échecs répétés, ruptures sentimentales, sentiment de frustration constant et répété par exemple).

Elles mettent l’individu face à sa part sombre, comme par exemple sa rage, sa colère ou bien son immaturité, sa possessivité, etc. Mais à s’impliquer dans une psychothérapie voir dans une psychanalyse, l’être qui construit une solution possible pour sa vie, s’en trouve grandit. 


Cet apaisement trouve sa place dans le quotidien des séances où il réalise qu’il se sent « moins à fleur de peau », « plus l’écoute de son (sa) partenaire, de ses enfants » ou encore « moins à bout dans son travail. »
Les petites avancées comme les grands changements de vie font de la traversée d’une cure une excursion passionnante, vivante. Ils rythment le passage du temps et lui donne sa saveur, car lorsque l’être lâche progressivement du regard la pendule il parvient enfin à exister sans décompte !


Brèves & articles :










La traversée d'épisodes maniaques 

Accès maniaques, dépenses compulsives :

Faut-il engager une prise en charge en psychothérapie ?


L’alternance soudaine entre un état de profonde affliction, de grande tristesse avec pensées mélancoliques ou suicidaires et des comportements extatiques du type de l’emballement des pensées, sentiment d’euphorie persistant jusqu’à la mise en danger de soi (financière, professionnelle, corporelle) peut signaler une souffrance diffuse qu’il s’agit de prendre en charge rapidement en psychothérapie


Euphorie continuelle, emballement dans ses actes et sa pensée, sentiment d’élation prolongé, etc. Ces états caractérisent un fonctionnement psychique débridé où l’instance de régulation entre différentes parties du moi s’effrite et ne remplie plus entièrement sa fonction de séparation. C’est-à-dire, le nécessaire maintient d’une imperméabilité entre la part inconsciente du moi chargée d’affects pulsionnels et sa part consciente, indispensable pour s’adapter à la réalité


Lors de cet accès maniaque, le patient est envahi de nombreuses pensées qui paraissent s’enchaîner entre elles sans interruption. Il redouble d’énergie qu’il dépense « en pensées » sur lui-même et sur autrui jusqu'à se priver de sommeil dans des insomnies majeures plusieurs jours consécutifs.
Sa propre lecture interprétative l’occupe entièrement et peut même s’accompagner d’une augmentation de sa consommation de stimulants (tabac, alcool, drogue, etc.) Cette dépense d’énergie, lorsqu’elle devient dépense compulsive dans des actes d’achat appelle à la vigilance du patient lui-même et de son entourage. 


La nuance entre un achat raisonné et un acte compulsif se trouve dans la parole du patient lui-même qui « n’a pas pu se contenter d’un seul  mais s’est emballé directement vers un second, puis un troisième, etc. Tout en sachant qu’aucun d’eux n’étaient nécessaire au départ et qu'il a beaucoup dépensé alors qu'il n'en avait pas les moyens. » Cet achat compulsif est pour lui comme « hors de sens », insensé et « plus fort que lui », c’est-à-dire traversé d’une impétuosité inconsciente, d’un « besoin irréfréné ». 


Dans ces cas, prendre rendez-vous chez le psychanalyse lui permettra de tenir à cette vigilance pour ne pas se mettre lui-même d’avantage en danger.

L’entrée en psychothérapie visera ensuite à démêler ce à quoi renvoie la chaîne signifiante dans laquelle ces actes d’achat compulsif se sont insérés. Par exemple, durant tel accès maniaque il n’était pas tant question de posséder tel objet, mais plutôt d’en conserver pour soi-même la trace qui a fait évènement : l’interaction enjouée avec un commerçant, la chaîne de pensées qui a motivé l’achat, la relation au tiers à qui l’objet serait offert par exemple, etc. 


L’intensité des affects qui s’était fait trop faiblement ressentir durant la période mélancolique devient désormais exacerbée. L’alternance de ces temps psychique mélancolie/manie s’organise selon une circularité fermée et complémentaire.

Lorsque la mélancolie a fait souffrir le patient durant des mois de détresse interminable, alors dans un sursaut de vie l’appareil psychique inverse radicalement sa tendance. Le patient, sans toujours s’en apercevoir s’attachera alors subitement à certaines personnes, pensées, détails inaperçus jusqu’ici ou toutes autres sensations internes neuves et positives.

Engager une démarche de soin est une voie possible contre cette circularité close car elle promeut un effet d’erre salvateur.

Contactez le 06.87.22.53.40 pour prendre un premier rendez-vous sur Paris 9e.


















La psychanalyse au sein du marché de l’édition en sciences humaines et sociales - 

Avant-propos au XLVe colloque du RPH 25/11/2023

Modernité & scientificité, pour une psychanalyse actualisée

La psychanalyse au sein du marché de l’édition en sciences humaines et sociales


Alors que nous rédigions l’argumentaire de ce XLVe colloque du RPH sur la question de la scientificité de la méthode psychanalytique, j’ai invité un confrère d’une autre école qui a spontanément décliné mon invitation en concluant que « ce débat est depuis longtemps résolu car le caractère scientifique de notre méthode est déjà démontré ». Cette affirmation ne nous semble pas pertinente, car la psychanalyse et ses méthodes restent perçues comme opaques à plusieurs égards. Elle m’a donc fait m’intéresser à la transmission de la psychanalyse et à son attrait pour le public.


Selon les États généraux de l’édition, « on n’a jamais publié autant de sciences humaines et sociales que dans les dernières années (…) [et] les transformations du marché du livre, l’essor de la publication et de la lecture en ligne et l’évolution de l’évaluation scientifique ont profondément modifié [sa] production et [sa] diffusion (…) » 


Cette prolifération d’ouvrages thématiques en psychologie saute aux yeux des professionnels de l’édition pour qui « certaines évolutions sont nettes (…) comme la perte de terrain qu’ont connue la théorie littéraire et la psychanalyse, à la mesure de celui qu’elles ont cédé dans l’espace des disciplines lui-même ». Dans ce contexte, nous verrons plus loin plusieurs thèmes qui fondent le procès fait à notre discipline et comment le RPH cherche à distinguer la psychanalyse et la formulation de ses principes au plus grand nombre. Ce colloque en est d’ailleurs un exemple. 


Pour Cédric Michon, directeur des Presses Universitaires de Rennes, « depuis 2009 (…) face à la concurrence de nouveaux modes de consommation des loisirs culturels (…) et devant l’émergence des réseaux sociaux (…) le livre (…) a cédé la place au développement personnel ». Pourtant, selon lui, « l’expertise du chercheur en sciences humaines et sociales, comme “professionnel de la preuve” est très précieuse pour nos sociétés qui se complaisent dans la désinformation de masse ». L’attention du lectorat pour les ouvrages thématiques dits « savants » paraît aussi se renouveler :


« Après des années à vanter l’interdisciplinarité sans la faire, les lecteurs la font désormais vivre (…) le besoin de comprendre les pousse à aller voir et comparer (…). Ainsi, ce goût pour les approches multiples d’un même sujet se trouve moins du côté des auteurs que de celui des lecteurs. Les libraires commencent à le percevoir et à organiser leurs tables selon cette logique thématique plus que disciplinaire ».

Nous observons bien ce « processus d’ésotérisation de la recherche (…) » depuis la multiplication de travaux de plus en plus thématiques. Il est particulièrement à l’œuvre dans le registre des sensations et des émotions qui sont des thématiques commerciales très attractives sur ce marché comme le titrait déjà en 2006 le Grand Dossier de la revue Sciences humaines intitulé : « La maladie mentale : un effet de mode ? » Cette lecture imaginaire du symptôme poursuit son œuvre au sein d’une communauté de savants autoproclamés et d’experts de troubles à dépister (hypersensibilité, haut potentiel intellectuel, marqueurs de l’autisme, etc.) La recherche de théorisation à valeur pseudo-scientifique s’apparente aujourd’hui plus à une recherche d’affects, un « besoin de sentir l'objet, un appétit des objets, une curiosité indéterminée, [qui] ne correspondent encore – à aucun titre – à un état d'esprit scientifique ». Au contraire, cette « senti-mentalité » concoure à ce que l’être « instaure de faux faits et les reconnaît par ce qu’il a de la mentalité, c’est-à-dire de l’amour-propre (…) [dont] le principe [en est] l’imagination » nous dit Jacques Lacan. 


Dès lors, comment distinguer la rigueur scientifique de cet effet d’imagination dans notre contexte contemporain de désinformation de masse ? Nous étudierons ces questions dans le premier volet suivant intitulé Les piliers de la psychanalyse basé sur l'article de Claire Pagès : Un noyau rationnel de la psychanalyse ? Crise, critiques et résistance












"Modernité & scientificité de la psychanalyse"

Cinq piliers de la discipline :

1. L’inconscient comme réalité psychique


Les piliers de la psychanalyse

La rigueur scientifique implique en premier lieu de définir le noyau dur de la psychanalyse dans ce qui résiste et doit résister à toutes les crises et critiques qui lui sont faites. Sur ce thème, le docteur en philosophie Claire Pagès a produit une recherche conséquente concernant le manque d’unité de la psychanalyse au travers des écoles qui se disputent son champ depuis Sigmund Freud. Son article, intitulé Un noyau rationnel de la psychanalyse ? Crise, critiques et résistance, permet de lister « six piliers mis en cause à la fois de l’extérieur, depuis d’autres champs théoriques, et de l’intérieur, par d’autres mouvements psychanalytiques ». 


Voici listés cinq piliers proposés par Pagès : 

  • L’inconscient et la réalité psychique
  • Le refoulement
  • L'Œdipe
  • La scientificité,
  • Le refus du système.


Nous allons suivre sa proposition en étudiant quelques-uns de ces piliers fondamentaux pour démontrer la modernité de l’enseignement proposé par le RPH-École de psychanalyse, parmi la constellation des savoirs dont la psychanalyse se fait l’écho aujourd’hui.

1. L’inconscient comme réalité psychique

« Ce premier pilier est contesté de l’extérieur de différentes façons. D’abord, on nie radicalement son existence, sa réalité et son pouvoir causal (…) ensuite, on peut défendre l’existence d’un inconscient mais nier que celui-ci soit psychique. Si tout est neuronal, si notre culture, nos comportements, nos œuvres trouvent dans le fonctionnement du cerveau leur explication, si, comme le soutient J.-P. Changeux dans L’homme neuronal, il y a tout lieu de penser que petit à petit le fossé entre systèmes neuronaux et fonctions cognitives pourra être comblé, il reste peu de place pour une causalité proprement psychique.» 

La clinique montre pourtant que l’être qui vient rencontrer le psychanalyste est pris d’emblée dans une logique d’aliénation. Elle se soutient de l’ignorance de la causalité psychique qui l’habite et le clive à son insu. Faire naître le transfert durant les premières séances vise justement à susciter la curiosité du patient quant à la part inconsciente de cette réalité, celle à laquelle il n’a précisément pas accès.


Lacan nomme entretiens préliminaires les premières séances de psychothérapie. Fernando de Amorim les qualifie lui, plus simplement, comme le fait de « monter sur le bateau de la psychothérapie » lorsque le patient a reconnu sa souffrance. Cette lecture dynamique, « monter sur », impose d’emblée de pouvoir distinguer le fait d’exprimer une plainte de celui de reconnaître sa souffrance comme constituante de sa propre réalité psychique.

Madame B., par exemple, est venue nous consulter car ce qui la fait souffrir concerne « [s]a lecture triste du monde depuis que [s]on père est devenu tétraplégique lorsqu’[elle] avai[t] 8 ans ». Aujourd’hui âgée de 45 ans, sa plainte concerne cette triste lecture du monde (sa réalité) car pour elle « d’un instant à l’autre un drame peut toujours survenir ». Mais sa souffrance est autre (sa réalité psychique) : « C’est le jour de mon anniversaire que mon père a eu son accident, j’ai depuis l’impression qu’il m’a abandonnée » dit-elle. C’est cette impression qui signe l’existence de sa vie psychique inconsciente, car consciemment cette dame sait que son père a été présent pour elle malgré son handicap. Inconsciemment, par contre, son interprétation de l’absence de son père l’a inscrite très tôt dans une radicale extériorité à elle-même. Sur cette autre scène, un Autre s’est inscrit en elle-même comme faisant défaut.

Ce cas clinique est volontairement celui d’une patiente venue en consultation depuis peu car il y a d’abord à démontrer que la réalité psychique s’organise selon une logique structurelle qui inscrit d’emblée chaque être parlant dans la logique signifiante. C’est-à-dire que le discours du patient voile à lui-même sa propre réalité psychique et cette opération est l’œuvre de l’instance du Moi. C’est celui-ci qu’il s’agira de court-circuiter par notre positionnement en séance au travers des différentes méthodes et techniques qui fondent l’efficacité de la doctrine psychanalytique.

Dans cette visée, l’objet d’étude du psychanalyste ne doit souffrir d’aucune interprétation imaginaire de sa part au risque de contaminer l’expérience du patient, donc les coordonnées mêmes de l’expérimentation de notre méthode. Dès l’entrée du patient en psychothérapie, nous devons obéir strictement à deux techniques premières : viser à ce que l’être énonce ses symptômes, puis qu’il respecte la règle de libre association de ses pensées. Que le psychanalyste intervienne à ce stade en ne respectant strictement que la technique psychanalytique est fondamental pour prétendre à une quelconque définition de son objet d’étude : la réalité psychique du patient. Hors de cette rigueur méthodologique, aucun noyau rationnel ne pourrait fonder la doctrine psychanalytique.











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Six piliers de la discipline :

2. Le refoulement 


2. Le refoulement

« La légitimité du deuxième pilier a également été contestée. Je mentionne [quelques] critiques “externes”. D’abord, on a souligné la contradiction du modèle (…) [Pour] Alain Ehrenberg (…) la société sollicite intensément l’individu (…) qui se trouve confronté à une pathologie de l’insuffisance et à une précarisation du soi qui engendrent des souffrances psychiques singulières. Notre contexte social serait un contexte qui fatigue, épuise, bouscule, agite, vide et rend incapable d’agir. L’individu en sortirait déprimé et non névrosé. (…) Ce n’est plus le refoulement qui rend malade mais l’épuisement causé par la sur-sollicitation de l’individu. »

Sur cette analyse anthropologique de La fatigue d’être soi à l’ère contemporaine, rien ne s’oppose à ce que coexiste et coïncide tout à la fois les deux phénomènes du refoulement et de l’épuisement. Ce qui peut conduire à considérer le psychanalyste comme un être ignorant des conditions de précarité dans lesquelles peuvent être asservis ses concitoyens concerne, par exemple, sa manière d’installer le lien de transfert au travers du prix et du rythme de leurs séances. Nous pouvons logiquement réfuter certaines pratiques de psychanalystes qui considèrent d’abord les résistances supposées du patient alors même que le cadre qu’il pose est intenable (prix fixe des séances, rigidité de leur durée, etc.)


Lorsque le psychanalyste a lui-même déserté sa cure, à la « pathologie de l’insuffisance et la précarisation du soi » du patient, s’oppose sa propre rigidité psychique pour qui « danser avec le réel » est devenu une tâche impossible. Cette danse implique de considérer le matériel psychique refoulé comme toujours « à portée de main » du psychanalyste. C’est-à-dire que l’analyse des résistances mériterait parfois d’être délaissée au profit du désir du psychanalyste d’être au rendez-vous avec sa clinique en assouplissant son cadre. 
C’est le cas, par exemple, lorsque :

  • Le psychanalyste propose au patient d’augmenter le nombre de ses séances lors des périodes de tempête durant sa cure, 
  • à la suite d’un acte manqué ou encore 
  • en prévision d’un passage à l’acte
  • C’est aussi le cas lorsqu’il l’invite à régler selon ses moyens de manière à permettre que l’être s’engage véritablement dans sa cure


Enfin, lorsque plutôt que d’user de son Moi pour définir arbitrairement la durée et la scansion d’une séance, il s’en remettra plutôt à l’interprétation de l’Ⱥutre barré présente dans le discours du patient lui-même. Ici, la visée de l’opération consiste à créer un effet d’erre dans la chaîne signifiante.


Cette « danse du symbolique avec le réel », c’est-à-dire cette souplesse du cadre, permet de faire émerger le matériel refoulé avec l’intention que le patient puisse l’associer librement, le plus fréquemment possible.

La fréquence, le rythme et, plus généralement, le cadre ont justement pour visée de ne pas laisser l’être désœuvré et « déprimé » par le surgissement soudain des formations de sa vie inconsciente. C’est ce désœuvrement de l’être qui peut avoir pour effet de le condamner au même titre que ses conditions de vie matérielles réelles. 


La question n’est donc pas de savoir s’il existe bien un processus de refoulement à l’œuvre, mais plutôt d’évaluer si les psychanalystes sont bien au rendez-vous clinique pour opérer avec ce précieux matériel ? Car selon la formule de Lacan, « il n’y a pas d’autre malaise dans la culture que le malaise du désir ».









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Six piliers de la discipline :


3. L'Œdipe 

3. L’Œdipe

« Le troisième pilier, le complexe d’Œdipe adossé à la sexualité infantile, a lui aussi été attaqué depuis des champs extra psychanalytiques. (…) On pointe le caractère normatif et la fonction de normalisation et d’encadrement du désir de cette structure qu’est l’Œdipe. On sait comment Foucault a montré que la psychanalyse, sans en avoir l’air, reconduit l’épinglage du dispositif de la sexualité sur le système de l’alliance. Cette logique de l’épinglage et de la réinscription (du sexuel dans la loi) qui se traduit dans l’exigence de connaissance et de mise en discours du sexuel fonctionne de fait comme réduction du foisonnement des logiques du désir. »

La formule « des logiques du désir » renvoie plutôt à « la différence [que nous soulignons] entre la directive du plaisir et celle du désir ». La première est de l’ordre d’une régression topique qui donne à l’excitation une satisfaction sur un mode hallucinatoire (Vorstellung), quand la seconde est une dialectique du désir de l’homme en tant que désir de l’Autre. Pour Lacan « à l’arrière-fond de toute demande de satisfaction, il y a, du fait du langage, la symbolisation de l’Autre, l’Autre comme présence et comme absence, l’Autre qui peut être le sujet du don d’amour ».


Si le caractère normatif du complexe d’Œdipe est avant tout attaqué par les psychanalysants eux-mêmes durant leur cure, c’est pour autant qu’il constitue précisément la voie fantasmatique qu’ils doivent parvenir à traverser. Ce sont eux qui en font quotidiennement l’épreuve et, à ce titre, un cas clinique peut en dire plus long que toute tentative de théorisation pour légitimer ce pilier de la psychanalyse


Monsieur V. s'oppose au fait « que la société lui impose d'endosser un rôle-type d’homme viril, de père de famille, de patriarche ». Ces positions tant symboliques qu'imaginaires lui apparaissent « imposées pour formater des hommes machos qui élèvent leurs enfants en les dominant » dit-il. Il se trouve « en proie à toutes sortes d’attitudes contorsionnées et paradoxales, qui le désignent à lui-même comme un névrosé en proie à des symptômes » et, comme le dit Lacan :

 « (…) c’est sur le désir sexuel qu’est édifié l’ordre primordial d’échanges qui fonde la loi par laquelle entre à l’état vivant le nombre comme tel dans l’interpsychologie humaine, à savoir la loi dite de l’alliance et de la parenté. (…) Dans la loi d’échanges définie par les relations fondamentales qui règlent les inter-réactions du désir dans la culture, les liens réels, les rapports avec les autres réels, la génération réelle de la lignée, le sujet se présente en tant que Phallus. Seulement, sur le trajet de la fonctionnalisation du sujet en tant que Phallus, s’interpose le désir. Dans le désir, en effet, s’exprime l’être du sujet au point de sa perte. »

En quoi le complexe d’Œdipe éclaire t'il d’un œil neuf la souffrance de ce psychanalysant ? Précisément au fil de sa cure, cet être a progressivement pu reconnaître l’insupportable tâche qui lui serait assigné, celle de devoir occuper une position phallique auprès de ses enfants revêtant, pour lui, l’allure d’un père qui prive l’enfant d’amour tout en le dominant. 


C’est seulement depuis sa propre position d’enfant, privé par le père de l’amour de sa propre mère qu’il avait depuis bâti cette douloureuse représentation. Car l’enseignement de Lacan ne souffre d’aucune ambiguïté : « dans la loi (…) la génération réelle de la lignée, le sujet se présente en tant que Phallus ». L’attitude « machiste » fantasmée par monsieur V. n’est donc pas celle qui relève de la fonction symbolique d’un chef de famille, pas plus qu’elle ne présentifie un père


Mais, il a lui-même était l'enfant présenté en lieu et place du Phallus maternel sans que, précisément, le père n'ai assumé courageusement sa tâche de castrer symboliquement la mère de cette jouissance phallique à son enfant. Ce procès de symbolisation avait pourtant bien eu lieu dans l’enfance de ce psychanalysant mais pas de la castration qui l'aurait autorisé à devenir sujet. C'est plutôt sous l’angle de la privation que cette opération inconsciente à procédé en le dépossédant et l’annihilant. La contrainte de répétition inconsciente a ensuite tracé le sillon de sa représentation sadique de la fonction paternelle que monsieur V. s’est vu rejouer malgré lui lors de la naissance de son second enfant.










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Six piliers de la discipline :

4. La scientificité de la psychanalyse 


4. La scientificité de la psychanalyse

« La prétention freudienne à l’exigence de scientificité a également été contestée par plusieurs types d’arguments extérieurs. D’abord, K. Popper, dans La logique de la découverte scientifique, a pu dire que la psychanalyse n’est pas une science car elle ne se prête pas à la réfutation. Ensuite, A. Grünbaum, dans Les fondements de la psychanalyse et La psychanalyse à l’épreuve, a affirmé que la psychanalyse est bien une théorie scientifique mais que celle-ci a été réfutée.(...) »


Au sein du Réseau pour la Psychanalyse à l’Hôpital – RPH – un effort important est à l’œuvre afin de transmettre la psychanalyse parmi ses membres et de formuler ses principes à destination des personnes intéressées à l’extérieur. Dans ce sens, de nombreuses modalités d’enseignement, de diffusion et de partage du matériel clinique ont été pensées collectivement. Cette organisation interne repose sur un effort de lire le réel de manière rigoureuse, ce qui constitue déjà pour une part, la définition de la science. Cette rigueur ne confine ni à la rigidité ni au systématisme bien qu’elle se reconnaisse d’un vocabulaire commun élaboré à l’épreuve de la clinique quotidienne de chacun et soutenue par notre psychanalyse personnelle, nos supervisions régulières. 


Notre article pour ce colloque témoigne ainsi de ce que la science psychanalytique se réclame effectivement de méthodes et de techniques qui lui permettent d’intervenir sur son objet d’étude. Ceci dans le champ opératoire propre à sa doctrine et conforme aux principes qui fondent son action : l’espace-temps de la séance.


À l’objection de Karl Popper selon laquelle la psychanalyse ne se prête pas à la réfutation, il est énigmatique d’émettre une telle affirmation sans indiquer les bases sur lesquelles celle-ci se fonde. Est-ce la théorie des pulsions, l’existence de la vie psychique inconsciente ou encore celle du refoulement qui devrait pouvoir être réfutée, contredite ? Pourquoi invalider une lecture qui trouve un écho dans la résolution de conflits psychiques chez des patients qui ne souffrent plus ? Ceux qui sortent de psychanalyse ou attestent de l’apaisement de leurs symptômes auraient-ils intérêt au mensonge ? Nous ne nous représentons pas les visées de cette critique. Il s’avère en tout cas constructif de rendre compte de ce dont nous faisons l’expérience quotidiennement nous-même dans la clinique.





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Six piliers de la discipline :

5. Le refus du système

 

5. Le refus du système

Le systématisme est un modèle inemployable au sein de la clinique psychanalytique. D’une part, parce que chacune de nos interventions en consultation ne se fondent qu’à partir de la parole des patients et psychanalysants. D’autre part, parce que le rythme qui sous-tend la cadence des consultations n’est déterminé que par la signifiance d’une parole qui autorise ou non la suspension d’une séance. Aussi, car lorsqu’une situation le nécessite (mise en danger du patient, conduites à risque, pensées suicidaires, mise en danger d’autrui, etc.), notre réactivité est au rendez-vous pour entrer dans l’arène clinique. Enfin, lorsqu’une manifestation corporelle impromptue, un lapsus, un acte manqué ou bien l’élaboration du travail du rêve nécessite un examen technique, alors tous ces éléments cliniques deviennent contraires au systématisme.

La flexibilité et la légèreté d’être du psychanalyste sont des dispositions centrales, car elles permettent d’attraper au vol les formations de la vie inconsciente des sujets qui s’en trouvent ainsi altérés, changés. C’est pourquoi il ne peut y avoir d’application systématique d’une méthode sans qu’aucun lien de causalité ne se soit d’abord présenté directement par le discours du patient lui-même. La surprise est d’ailleurs toujours au rendez-vous chez celles et ceux qui nous consultent. Nous pensons par exemple à une patiente évoquant un banal évènement à son travail pour poursuivre en revivant avec émotions un conflit lointain dans sa fratrie par la libre association de ses pensées. Une autre qui, à l’évocation du son « fermé » alors qu’elle détaillait son trouble obsessionnel de verrouiller les portes, reconnaît subitement le sens : « faire mais… », surprise d’invoquer involontairement la contradiction et l’ambivalence contenue dans son désir de « faire », etc.

Nous avons tenté dans ces cinq brèves de rendre compte des premiers éléments de réflexion autour de certains piliers de la doctrine psychanalytique, il en reste encore de nombreux à étudier. Notre intention est avant tout de prétendre que la logique de la preuve doit valoir comme prérequis à toute démarche scientifique. Dans ce sens, retranscrire fidèlement la parole des patients, tant dans nos communications internes qu’au dehors, constitue le moyen pérenne par lequel définir un objet d’étude commun, un « noyau rationnel » au monde psychanalytique. Car, ce qui s’extrapole au-delà des faits cliniques ne possède qu’une valeur imaginaire et non empirique. Enfin, selon nous, pour faire science et s’inscrire dans la modernité, le psychanalyste doit pouvoir faire preuve d’humilité et se détourner de la spéculation au risque de discréditer lui-même sa démarche.

Nous conclurons par cette citation lumineuse de Gaston Bachelard :

« Balzac disait que les célibataires remplacent les sentiments par les habitudes. De même, les professeurs remplacent les découvertes par des leçons. Contre cette indolence intellectuelle qui nous prive peu à peu de notre sens des nouveautés spirituelles, l'enseignement des découvertes le long de l'histoire scientifique est d'un grand secours. Pour apprendre aux élèves à inventer, il est bon de leur donner le sentiment qu'ils auraient pu découvrir. » 1

1. Bachelard, G. La formation de l'esprit scientifique, Paris, Vrin, 1967, p. 278.

Quelles souffrances au travail ?


Pourquoi consulter un psychologue sur Paris pour surmenage ou risques professionnels ?

Hier et aujourd’hui… Le premier essai cinématographique de la réalisatrice Coline Serreau sorti en 1976, produit par Copra films s’intitule : « Mais qu’est-ce qu’elles veulent ! » Cette œuvre documentaire nous plonge dans le quotidien de nombreuses femmes d’âge et de condition diverses : « Des paysannes, des ouvrières, une femme aisée "au foyer", une actrice de cinéma pornographique, une jeune femme anorexique, une concierge veuve, une femme pasteur mère de famille (…) » Ces tableaux biographiques sont autant de plongées dans des univers intimes représentant la condition féminine d’une époque.

Coline Serreau donne par exemple la parole aux ouvrières corvéables de l’industrie française du textile. Elles dénoncent la cadence infernale de leurs rythmes de travail journalier, le mépris de classe qu’elles subissent quotidiennement des contremaîtres ou encore leur travail domestique qui se cumule chaque jour à leur vie professionnelle. En  toile de fond, la représentation sociale de l’ouvrier-machine, du corps-outil et de la soumission à des formes sadiques d’autorité.

Aujourd’hui nous bénéficions des avancées majeures dans l’organisation sociale du travail, justement grâce à l’implication de ces femmes qui se sont engagées dans la lutte sociale et syndicale au profit des générations suivantes. Mais qu’en est-il des souffrances au travail aujourd’hui ?
 
La filière textile par exemple, s’est délocalisée vers d’autres pays, loin de notre vue. Le secteur tertiaire est progressivement venu se substituer à celui de l’industrie en apportant avec lui de nouveaux moyens de production et de commercialisation qui dépendent aujourd’hui des nouvelles technologies. Désormais, le travailleur souffre majoritairement d’une perte du sens de ses propres actions ainsi que de celles de son secteur d’activité. Il rapporte combien ses fonctions cognitives sont saturées par un usage intensif d’outils technologiques, etc.

L’ouvrier-machine a donc été remplacé par le cerveau-outil et les enjeux de santé physique sont devenus des enjeux de santé mentale. Ainsi, le sadisme au sein des relations de subordination professionnelle a changé de visage et soumet désormais le travailleur à la tentation toujours renouvelée de fuir son environnement de travail.  En atteste le nombre important de reconversions professionnelles, demande de ruptures conventionnelles, prolongements d’arrêts maladie, etc. Cette tentation de fuir plutôt que d’affronter les paradoxes et les contradictions de notre milieu est chose commune. C’est même une tendance qui traverse toutes les époques car elle opère en réaction au caractère de déplaisir vécu dans la répétition. Pourtant, en aucun cas la fuite ne rend digne ni n’aide à grandir. Elle s’apparente plutôt au contraire au caractère régressif du fonctionnement mental qui va régresser à un stade libidinal antérieur pour ne pas avoir à affronter une situation vécue comme insupportable.

L’entrée en psychothérapie ou en psychanalyse n’a pas pour visée de s’opposer à une logique de société en place, elle ne prétend pas non plus prendre part à une quelconque forme de révolte sociétale. Pourtant, c’est en permettant à ces formes de régression psychique de s’opérer durant la séance plutôt que dans la vie en société qu’elle rend au travailleur sa capacité insurrectionnelle propre et son désir de grandir !