Étude des œuvres complètes de S. Freud & J.Lacan

S. FREUD

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L'étude des Œuvres complètes de Freud / Psychanalyse (OCF-P) comprend les 22 volumes de l'éditeur PUF sous la direction scientifique de Jean Laplanche (1924-2012), Pierre Cotet pour la direction éditoriale. François Robert, spécialiste de la terminologie. Janine Altounian, qui veille à l’harmonisation des textes. Enfin, Alain Rauzy à la vérification des notes de bas de page.

J. LACAN

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Nous étudions l'œuvre de Lacan dans le respect de sa chronologie dans l'histoire du mouvement psychanalytique.

La majorité de l'enseignement de Jacques Lacan a été transmis oralement de 1953 à 1979 successivement à l'hôpital Saint-Anne, à l'École normale supérieure, puis à la Sorbonne.

Jacques-Alain Miller, devenant son gendre et exécuteur testamentaire, initie un dialogue fructueux avec Lacan à la fin de la première leçon des Quatre concepts, en janvier 1964 et se verra confié la retranscription de ses séminaires (de 1950 à 1980). Ces ouvrages sont pour une part disponibles aux Éditions du Seuil.

AUTRES RECHERCHES

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Résumé d’œuvres complémentaires en psychanalyse tels que les écrits pré-socratiques, les biographies d'auteurs proche du mouvement psychanalytique, etc. 

J. LACAN

LES SÉMINAIRES

J. LACAN LE SÉMINAIRE livre I

1953-54


Les Écrits techniques de Freud

La technique analytique ; lapsus, actes manqués, oublis, etc.

J. LACAN LE SÉMINAIRE 

livre I

1953-54

Les Écrits techniques de Freud

C’est en 1953 que Lacan débute le premier des dix séminaires de textes freudiens qu’il tiendra à Saint-Anne. Ce séminaire fait suite à l’exposé inaugural de son enseignement « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse »(1) et Lacan choisit les écrits techniques de Freud, auxquels il ajoute « L’introduction au narcissisme », pour développer la théorie du transfert et de la fin de la cure qui se déduisent de la thèse de l’inconscient structuré comme un langage.


Le moment de la résistance

P 22 Pour Lacan c'est toujours en fonction de la question de Freud qu'est-ce que nous faisons quand nous faisons de l'analyse ? que se rapporte son propre commentaire.

P  27  Ce que Lacan évoquera comme étant l’expérience germinal de Freud concernera la reconstitution complète de l’histoire du sujet comme l’élément essentiel, constitutif, structural, du progrès analytique. Le progrès de Freud, sa découverte, est dans la façon de prendre un cas dans sa singularité. Cela veut dire essentiellement que, pour lui, l’intérêt c’est la réintégration par le sujet de son histoire jusqu’à ses dernières limites sensibles. L’accent est mis par Freud sur des points essentiels à conquérir par la technique et qui sont ce que j’appellerai des situations de l’histoire. L’histoire n’est pas le passé. L’histoire est le passé pour autant qu’il est historisé dans le présent. Le chemin de la restitution de l’histoire du sujet prend la forme d’une recherche de la restitution du passé.

Le fait que le sujet revive, se remémore, les événements formateurs de son existence, n’est pas en soi-même tellement important. Ce qui compte, c’est ce qu’il en reconstruit. Dans La science des rêves Freud ira même jusqu’à dire que les souvenirs-écrans eux-mêmes sont après tout un représentant satisfaisant de ce dont il s’agit. Il s’agit de la traduction qualifiée du cryptogramme que représente l’ensemble de son système. L’essentiel ici et bien la reconstruction : c’est moins de se souvenir que de réécrire l’histoire. Ce terme, Freud l’emploi jusqu’à la fin.

 

P30 Des trois instances, celle qui a pris l'importance première est l’ego. C'est autour de la conception de l’ego que pivote depuis lors tout le développement de la technique analytique. Pour Freud, le patient n’est qu’une espèce d’appui, de question, de contrôle à l’occasion dans la voie où lui, Freud, s’avance solitaire. D’où le drame de sa recherche. À ceux qui se trouvent en posture de suivre Freud, la question se pose de comment les voies dont nous héritons furent adoptées, recomprises, repensées. Aussi ne pouvons-nous faire autrement que de rassembler ce que nous apporterons sous le chef d’une critique, une critique de la technique analytique. La technique ne vaut que dans la mesure où nous comprenons où est la question fondamentale pour l’analyste qui l’adopte. Remarquons d’abord que nous entendons parler de l’égo comme de l’allié de l’analyste ; sa seule source de connaissance. Dégageons la profonde ambiguïté de la conception que les analystes se font de l’égo- qui serait tout ce à quoi on accède bien qu’il ne soit par ailleurs qu’une espèce d’achoppement, d’acte manqué, de lapsus. Il s’agit ici de savoir si le sens de l’égo déborde le moi pour répondre à cette question : Qu’est-ce que c’est l’égo ?

 

P33  Pour Lacan nous nous permettons de faire intervenir notre égo dans l’analyse et puisqu’on soutient qu’il s’agit d’obtenir une réadaptation du patient au réel, il faudrait tout de même savoir si c’est l’égo de l’analyste qui donne la mesure du réel !

Ouvrons seulement la question : l'ensemble de notre système du monde à chacun, qui n'est pas de l'ordre de l'inconscient mais qui agit dans la façon dont nous nous exprimons quotidiennement, dans la moindre spontanéité de notre discours, laisse là quelque chose qui doit effectivement, oui ou non, servir, dans l’analyse, de mesure ?

 

Premières interventions sur la question de la résistance

 

P 35  Freud explique, à propos du cas de Lucie R., qu’il avait recours à la pression des mains quand il n’obtenait qu’une hypnose incomplète. C’était en instituant un stade intermédiaire entre le dialogue et l’hypnose que les symptômes étaient traités en a un, en eux-mêmes, affrontés directement comme des problèmes proposés. Freud ajoutait que ce serait au moment où il lèverai ses mains -mimique de la levée
de la barrière- que le patient deviendrait parfaitement conscient et n’aurait qu’à prendre ce qui se présenterait à son esprit pour être sûre de tenir le bon bout du fil. Si le domaine de Freud était bien la vérité du sujet il s’agissait de sa réalisation en tant qu’une dimension propre devant être détachée dans son originalité par rapport à la notion même de réalité.

P 39  Dans les études sur l’hystérie (p. 233-234) Freud parle des images verbales déambulant le long des conducteurs nerveux. Cette métaphore tend invinciblement à suggérer la matérialisation de la parole. La notion se  présente ici de plusieurs strates longitudinales, c'est-à-dire de plusieurs fils de discours. Il y a un courant de paroles parallèles, et celles-ci s’élargissent un certain moment pour entourer ce fameux noyau pathogène qui lui aussi, est une histoire, s'en écartent pour l'inclure et se rejoignent un peu plus loin.

Le phénomène de la résistance est là exactement situé. Il y a deux sens, un sens longitudinal et un sens radial. La résistance s’exerce dans le sens radial elle est la conséquence de la tentative de passer des registres extérieurs vers le centre. Une force de répulsion positive c’est exerce à partir du noyau refoulé, et quand on s’efforce d’atteindre les fils de discours qui en sont les plus rapproché, on éprouve de la résistance. Freud va même jusqu’à écrire dans un texte publié sous le titre Métapsychologie, que la force de résistance est inversement proportionnelle à la distance où l’on se trouve du noyau refoulé.


P 40 Freud dirait qu'on rencontre une résistance d'autant plus grande que le sujet se rapproche davantage d'un discours qui serait le dernier est le bon, mais qu’il refuse absolument.

P41  Dès les premières recherches de Freud, la résistance est liée à la notion de l’égo. Dans Les Études il s’agit non seulement de l’égo comme tel, mais de l’égo comme représentant la masse idéationnelle. On ne peut pas voir dans cette formule, la masse idéationnelle, quelque chose ne ressemble pas au contre-transfert : la fonction de l’égo de l’analyste, ce que j’ai appelé la somme des préjugés de l’analyste. Est-ce que la résistance vient uniquement de là ? Quand, à la limite de ce domaine de la parole qui est justement la masse idéationnelle du moi, je vous ai présenté la somme de silence après quoi une autre paroles reparaît, celle qu’il s’agit de reconquérir dans l’inconscient car elle est cette part du sujet séparée de son histoire est-ce là la résistance ? Où est-ce l’organisation du moi qui, en tant que telle, constitue la résistance ?

La résistance et les défenses

 

P 52 De nos jours les analystes ne font pas un seul pas dans le traitement sans apprendre à leurs élèves à se poser toujours à propos du patient la question qu’est-ce qu’il a pu encore inventé comme défense ?  Il y a là l’idée d'une mauvaise volonté fondamentale du sujet. Ce style analytique, nous pouvons le qualifier d'inquisitorial. En effet, c'est bien la question de l'activité de l'analyste qui se pose. Comment  agit-il ? Annie  Reich  dira  elle,  que  rien  ne  compte  si  ce  n’est  la reconnaissance par le sujet des intentions de son discours. Et ses intentions n’ont jamais de valeur que dans l’interlocution présente.  Pour Lacan il est impossible, dans l’expérience analytique, de considérer comme la preuve de la justesse d’une interprétation que le sujet change de style. Considérons avec lui que ce qui prouve la justesse d’une interprétation, c’est que le sujet apporte un matériel confirmatif.  Et encore, cela mérite d’être nuancé.

P56  On n’a jamais dit que l’analyste ne doit jamais éprouver de sentiments vis-à-vis de son patient. Mais il doit savoir non seulement ne pas y céder, les mettre à leur place, mais s’en servir adéquatement dans sa technique. Quand l’analyste se croit autorisé à faire une interprétation d’égo à égo, ou d’égal à égal, considérons cette interprétation comme ne pouvant en rien être distinguée de celui de la projection. Il convient donc que l’on s’abstienne de cette interprétation de la défense d’égo à égo, mais, au contraire, qu’il y ai toujours un troisième terme au moins.

 

P58  C’est dans La science des rêves que Freud a donné la première définition de la notion de résistance dans cette phrase décisive :Tout ce qui suspend/détruit/interrompt la continuité du traitement est une résistance.
Il s’agit de la poursuite du traitement, du travail, Arbeit, qui peut être définie par sa forme, comme  l’association verbale déterminée par la règle fondamentale de l’association libre. Ce travail c’est évidemment la révélation de l’inconscient.


P 62  Freud à la fin des Études sur l’hystérie définit le noyau pathogène comme ce qui est cherché, mais qui repousse le discours - ce que le discours fuit. La résistance est cette inflexion que prend le discours à l’approche de ce noyau.


Le moi et l’autre

P 67 Dans le texte de Freud intitulé La dynamique du transfert (p55), un passage s’articule directement avec celui des Études où il s’agit de la résistance rencontrée dans le sens radial du discours du sujet quand celui-ci se rapproche de la formation profonde du noyau pathogène. Dans une région où la résistance se fait nettement sentir il émane une résistance du processus même du discours, de son approximation. L’expérience montre que c’est ici que surgit le transfert, et celui-ci se produit justement parce qu’il satisfait la résistance. Quelque soit l'extension que nous puissions donner ultérieurement au terme de résistance dans sa connexion avec l'ensemble des défenses, la résistance est un phénomène que Freud localise dans l’expérience analytique.

P 69 C’est dans le mouvement par où le sujet s’avoue qu’apparaît un phénomène qui est la résistance. Quand cette résistance devient trop forte, surgit le transfert. Qu’est-ce que cela peut nous apprendre sur la nature de la résistance ? Cela peut nous permettre de répondre à la question qui parle ? Et donc de savoir ce que veut dire la reconquête, la retrouvailles de l’inconscient. Nous voilà devant un phénomène
où nous saisissons un nœud, une pression originelle, une résistance. Nous voyons en un certain point de cette résistance se produire ce que Freud appelle le transfert, c’est-à-dire ici l’actualisation de la personne de l’analyste : le surgissement de la présence au moment des résistances.

P71  Ce que Freud nous enseigne, la bonne méthode analytique, consiste à retrouver toujours un même rapport, une même relation, un même schème, qui se présente à la fois dans des formes vécues, des comportements, et  aussi bien, à l’intérieur de la relation analytique.


P73  L’essence même de la découverte freudienne est cette articulation importante qui nous indique qu’à l’origine, pour que le refoulement soit possible, il faut qu’il existe  un  au-delà  du  refoulement,  quelque  chose  de  dernier,  déjà  constitué primitivement,  un premier noyau du refoulé qui non seulement ne s’avoue pas, mais qui, de ne pas se formuler est littéralement comme si cela n’existait pas. Il est donc le centre d’attraction  qui appelle à lui tous les refoulements ultérieurs. Il s’agit ici de l’expérience originelle du trauma dont le noyau primitif en est le fond et le support.

 

P79  Le refoulé n’est pas si refoulé car lorsque le sujet ne dit pas, bien qu’il ait commencé à dire, quand c’est ça qu’il était prêt à dire, et que pour ne pas l’avoir dit il le lui est resté dans la suite de sa connexion avec son interlocuteur, des débris, des morceaux, des chutes de cette parole.  En effet il n’est pas étranger à l’essence de la parole de s’accrocher à l’autre. La parole est une médiation entre le sujet et l’autre et elle implique la réalisation de l’autre dans la médiation même. La résistance se produit au moment où la parole de révélation ne se dit pas, ou le sujet ne peut plus en sortir. Il s’accroche à l’autre parce que ce qui est poussé vers la parole n’y a pas accédé. Si la parole fonctionne alors comme une médiation, c’est de ne pas s’être accomplie comme révélation. La question est toujours de savoir à quel
niveau se produit l’accrochage de l’autre ? À quelle niveau cet autre est réalisé ? Et comment, dans quelle fonction, dans quel cercle de sa subjectivité, à quelle distance est cet autre ? Il s’agit de savoir comment pointe vers l’autre ce sentiment si mystérieux de la présence. Quand Freud nous parle dans la dynamique du transfert c’est à dire à toutes les structurations préalables, non seulement de la vie amoureuse du sujet, mais de son organisation du monde, il s’agit d’isoler la première inflexion de la parole, le moment premier où s’infléchie dans sa courbe toute la réalisation de la vérité du sujet, le niveau premier où la captation de l’autre prend sa fonction.

 

P 83  Le moi se constitue par rapport à l’autre, il en est corrélatif. Le niveau auquel l’autre est vécu situe exactement le niveau auquel, littéralement, le moi existe pour le sujet. La résistance, en effet, s’incarne dans le système du moi et de l’autre. Elle s’y réalise à tel ou tel moment de l’analyse. Mais c’est d’ailleurs qu’elle part, à savoir de la puissance du sujet à aboutir dans le domaine de la réalisation de sa vérité.

Introduction et réponse à un exposé de Jean Hyppolite sur la Verneinung de Freud

 

P 87  Le fond du mouvement de la résistance se manifeste par la bascule de la parole vers la présence de l’auditeur, du témoin qu’est l’analyste. Le moment où le sujet s’interrompt est le moment le plus significatif de son approche de la vérité.  La relation de l’égo à l’autre, le rapport du sujet à cette autre lui-même, est une structure essentielle de la constitution humaine. C’est à partir de cette fonction imaginaire que nous pouvons concevoir et expliquer ce qu’est l’égo dans l’analyse. L’égo s’y manifeste comme défense, refus. Dans ces moments de résistance nous saisissons ce par quoi le mouvement  même de l’expérience analytique isole la fonction fondamentale de l’égo ; la méconnaissance.

 

P91 C’est avec le terme de dénégation (Verneinung ) dans le texte de 1925 que Freud reprend cette relation, toujours vivante pour lui, de l’égo avec la manifestation parlée du sujet dans la séance. Le problème en cause n’intéresse rien de moins que toute la théorie, sinon de la connaissance au moins du jugement et il y aurait là des difficultés pour un esprit qu’il ne serait pas formé à cette discipline philosophique dont nous ne saurions nous passer dans la fonction que nous occupons.

 

Analyse du discours et analyse du moi

 

P108 À partir d’un cas rapporté par Anna Freud, Lacan insiste sur la question de savoir de quelle assomption (Bejahung) par le moi, de quel oui il s’agit dans le progrès analytique ? Quelle assomption s’agit-il d’obtenir qui constitue le dévoilement essentiel au progrès d’une analyse ? Freud dira que c'est la conclusion d'un pacte qui définit l'entrée dans la situation analytique. Le moi malade du patient nous promet une franchise totale, c’est-à-dire la libre disposition du tout ce que son auto-perception lui livre. De notre côté, nous lui assurons la plus grande discrétion et mettons à son service notre expérience dans l’interprétation du matériel soumis à l’inconscient. Notre savoir compense son ignorance et permet au moi de récupérer et de gouverner les domaines perdus de son psychisme. C’est ce pacte qui constitue toute la situation. Il est vrai que notre savoir vient au secours de l’ignorance de l’analysé, Il n’en reste pas moins que nous sommes, nous aussi, dans l’ignorance, pour autant que nous ignorons la  constellation symbolique qui gîte dans la conscience du sujet.

P110 Il faut regarder de près la valeur des critères que nous exigeons -et sur lesquels nous sommes d’ailleurs d’accord avec le sujet- pour reconnaître une Bejahung satisfaisante. Dès lors, de quoi nous satisfaisons-nous exactement quand le sujet nous dit que les choses sont arrivées à ce point de déclic où il a le sentiment de la vérité ? Pour y répondre, nous nous portons au cœur même du problème du
sentiment de réalité car, en fin de compte, le sentiment de réel ne se présente-il pas à son maximum dans la brûlante manifestation d’une réalité irréelle, hallucinatoire ? Cette formule, presque algébrique, en est une définition : Le réel, ou ce qui est perçu comme tel, est ce qui résiste absolument à la symbolisation. Le refoulement lui, ne peut pas disparaître purement et simplement, il ne peut qu’être dépassé, au sens d’Aufhebung (sauter sans annuler).

L’enjeu de l’analyse n’est pas autre chose : reconnaître quelle fonction assume le sujet dans l’ordre des relations symboliques qui couvre tout le champ des relations humaines, et dont la cellule initiale est le  complexe d’Œdipe, où se décide l’assomption du sexe.

 

P111 Lacan introduit le propos de l’école anglaise représentée par Mélanie Klein dans « The importance of symbol formation in the development of the ego » (1918) en précisant qu’il s’oppose à celui d’Anna Freud. Prenant le cas du jeune Dick, Lacan dira que ce qui n’est pas symbolisé chez lui, c’est la réalité. Cette théorie de l’égo, incomplète mais précieuse, montre très bien ceci ; les objets se démultiplient dans le monde humain dans la mesure où ils apparaissent dans un processus d’expulsion lié à l’instinct de destruction primitif.

 

P113 À mesure que se produisent ces éjections hors du monde primitif du sujet, surgit à chaque fois  un  nouveau type d’identification, c’est ce qui n’est pas supportable et l’anxiété surgit en même temps. L’anxiété est toujours définie comme surgissant, arising. A chacun des rapports objectaux correspond  un monde d’identification dont l’anxiété est le signal. Les identifications dont il s’agit ici précèdent l’identification moïque. Mais quand celle-ci sera faite, toute nouvelle ré-identification du sujet fera surgir l’anxiété (tentation, vertige, perte primitive du sujet). L’anxiété est une coloration subjective.

P114 Normalement, le sujet donne aux objets de son identification primitive une série d’équivalents imaginaires, il ébauche des identifications avec certains objets, les retire, en refait d’autres, etc. Chaque fois, l’anxiété arrête l’identification définitive, la fixation de la réalité. Après cette phase au cours de laquelle les fantasmes sont symbolisés, vient le stade dit génital, où la réalité est alors fixée.


La topique de l’imaginaire


P120 Sans les trois systèmes de références que sont l’imaginaire, le symbolique et le réel, impossible de rien comprendre à la technique et à l’expérience freudiennes. Une des choses dont nous devons le plus nous garder, c’est de comprendre trop, de comprendre plus que ce qu’il y a dans le discours du sujet. Interpréter et s’imaginer comprendre, ce n’est pas du tout la même chose. C’est exactement le contraire. Je dirais même que c’est sur la base d’un certain refus de comprendre que nous poussons la porte de a compréhension analytique (Époche/ phénoménologie).

 

P121 Le stade du miroir, impossible à dénier, a une présentation optique et possède cette fonction exemplaire de révéler certaines des relations du sujet à son image en tant qu’Urbild du moi. Tel que le décrit la Traumdeutung, l’idée qui nous est offerte est celle d’un lieu psychique, c’est à dire tout ce qui se passe entre la perception et la conscience motrice du moi. Pour qu’il y ait une optique, il faut qu’à tout point donné dans l’espace réel, un point et un seul corresponde dans un autre espace, qui est l’espace imaginaire. Ce schéma permet d’illustrer ce qui résulte de l’intrication étroite du monde imaginaire et du monde réel dans l’économie psychique : Ce que Freud nomme les jugements d’existence dans Die Verneinung (la dé-négation) consiste à attribuer (ou pas) l’existence d’une représentation dans la réalité: une chose (ein Ding) présente dans le moi existe-t-elle aussi au dehors, c’est à dire peut-elle être retrouvée dans la perception ?

P128 C’est là que l’image du corps donne au sujet la première forme qui lui permette de situer ce qui est du moi et ce qui ne l’est pas. Ici l’image du corps est comme le vase imaginaire qui contient le bouquet de fleurs réelles en tant qu’objets du désir qui se promènent. L’œil, lui, est le symbole du sujet.

P130 Cela veut dire que dans le rapport de l’imaginaire et du réel, et dans la constitution du monde qui en résulte, tout dépend de la situation du sujet (de son point de vue). Et la situation du sujet est essentiellement caractérisée par sa place dans le monde symbolique.


Pour précision, dans l’article de Lacan (p15) écrit à la demande de Wallon en 1938 intitulé « Les complexes familiaux en pathologie » l’auteur propose de suppléer à l’emploi d’un terme de Freud mal défini : l’identification affective. Une nouvelle théorie de cette identification est désignée par Lacan sous le terme de stade du miroir.

Lacan dira qu’à ce stade (fin de sevrage) il résulte de la discordance des pulsions et des fonctions une proprioceptivité donnant le corps comme morcelé, où l’intérêt psychique se trouve déplacé sur des tendances visant au recollement du corps propre. La réalité s’ordonne alors en reflétant les formes du corps, qui donne en quelque sorte, le modèle à tous les objets. La tendance par où le sujet restaure l’unité perdue de soi-même est la source d’énergie de son progrès mental, progrès où prédominent les fonctions visuelles. Ce que le sujet salue en l’image spéculaire c’est l’unité mentale qui lui est inhérente. (Traitement similaire de l’auto-présentation de la psyché par les pictogrammes de P. Aulagnier)

Dans l’étude de la structure narcissique du moi, Lacan en appelle au mythe de Narcisse où la réflexion spéculaire et l’imago du double qui lui est centrale donne l’illusion d’un monde qui ne contient pas d’autrui. Dès lors, avant que le moi affirme son identité, il se confond avec cette image qui le forme, mais l’aliène primordialement.

P129 Revenant au schéma, Lacan dit que pour que l’illusion se produise il faut qu’une condition soit réalisée, l’œil doit être dans une certaine position, il doit être à l’intérieur du cône. S'il est à l'extérieur de ce cône, il ne verra plus ce qui est imaginaire, pour la simple raison que rien du cône d’émission ne viendra le frapper. Il verra les choses à leur état réel, tout nu, c’est-à-dire l’intérieur du mécanisme (exemple de la psychose, le cas Dick)

 

P 135  Que représente l’appel dans le champ de la parole. C'est la possibilité du refus. L'appelle pas le refus, il n'implique aucune dichotomie, aucune bipartition. Mais c'est au moment où se produit l’appel que s’établissent chez le sujet les relations de dépendance.

P141 Suivant le texte de Mélanie Klein, dans le cas de Dick, elle dit que l’égo a été développé d’une façon trop précoce si bien que, l’enfant a un rapport trop réel à la réalité parce que l’imaginaire ne peut pas s’introduire ; l’égo ne peut pas être valablement utilisé comme appareil dans la structuration de ce monde extérieur.

Sur le narcissisme

P174  La méthode analytique, si elle vise à atteindre la parole pleine par une voie strictement opposée, donne pour autant comme consigne au sujet de délinéer mais une parole aussi dénouée que possible de toute supposition de responsabilité, et qu’elle le libère de toute exigence d’authenticité. Elle lui enjoint de dire tout ce qui lui passe par la tête. Il semblerait que cet acte de parole ne peut progresser que par la 
voie d’une conviction intellectuelle qui se dégagerait de l’intervention éducatrice qui viendrait de l’analyste.

 

P176  Ce qu'on appelle intellectualisation en cette occasion et tout autre chose que cette  connotation  qu'il  s'agirait  de  quelque  chose  d'intellectuel.  Mieux nous analyserons les divers niveaux de ce qui est en jeu, mieux nous arriverons à distinguer ce qui doit être distingué et à unir ce qui doit être uni, et plus notre technique  sera  efficace.  Cette  entreprise  métapsychologique  est  tout  à  fait impossible pour des raisons telles que nous ne pouvons pratiquer même une seconde la psychanalyse sans penser en terme métapsychologique. Ce fait est véritablement  structural de notre activité. Ce que nous avons à repérer, c’est la structure qui articule la relation narcissique, la fonction de l’amour dans toute sa généralité et le transfert dans son efficacité pratique.

 

P182 Qu’est-ce que cette auto érotisme primordial, dont Freud postule l’existence ? Il s’agit  d’une  libido  qui  constitue  les  objets  d’intérêt  et  qui,  par  une  sorte  de prolongement, se répartie. Cette conception ne fait pas difficulté tant que Freud laisse hors du mécanisme de la libido tout ce qui se rapporte au registre que celui du désir comme tel. Le registre du désir est pour lui une extension des manifestations concrètes de la sexualité, un rapport essentiel que l’être animal entretien avec son Umwelt, son monde. Or cette conception défaille. La théorie psychanalytique a été depuis lors ouverte à une neutralisation de la libido qui consiste, d’un côté, a affirmer fortement qu’il  s’agit de libido, et de l'autre, à dire qu'il s'agit simplement d'une propriété de l'homme, créatrice de son monde. Conception extrêmement difficile à distinguer de la théorie analytique, pour autant que l'idée freudienne d'un auto-
érotisme primordial à partir de quoi se constitueraient progressivement les objets est presque équivalente dans sa structure à la théorie de Jung.

 

P184 Distinction Freud// Lacan.  Dans l’article sur le narcissisme Freud revient sur la nécessité de distinguer libido égoïste et libido sexuelle. Le problème est pour lui extrêmement ardu à résoudre. Comment ces deux termes ne peuvent-ils être rigoureusement   distingués   si   on   conserve   la   notion de   leur   équivalence énergétique ? Qui permet de dire que c’est pour autant que la libido est désinvestie
de l’objet qu’elle revient se reporter dans l’égo ? Voilà le problème qui est posé. De ce  fait,  Freud  est  amené  à  concevoir  le  narcissisme  comme  un  processus secondaire.  Une unité comparable au moi n’existe pas à l’origine, n’est pas présente depuis le début dans l’individu. Les pulsions auto érotique, au contraire, sont là depuis le début. L’Urbild, qui est une unité comparable au moi, se constitue à un
moment déterminé de l’histoire du sujet, à partir de quoi le moi commence de prendre ses fonctions. C’est dire que le moi humain se constitue sur le fondement de la relation imaginaire.

 

P185   Dans le développement du psychisme, quelque chose de nouveau apparaît dont la fonction est de donner forme au narcissisme. N'est-ce pas marquer l’origine imaginaire de la fonction du moi ?

P186   Le schéma Jungien est une pensée très traditionnelle dont on voit bien la différence avec la pensée analytique orthodoxe. À la différence de Jung, ce dont il s’agit pour Freud, c’est de saisir la différence de structure qu’il existe entre le retrait de la réalité que nous constatons dans la névrose est celui que nous constatons dans la psychose. C’est dans la méconnaissance, le refus, le barrage opposé à la réalité par le névrotique que nous constatons un recours aux fantasmes. Soulignons qu'il n'y a rien de semblable dans la psychose. Le sujet psychotique lui, si il perd la réalisation du réel, ne retrouve aucune substitution imaginaire. C’est cela qui le distingue du névrotique. Quand le psychotique reconstruit son monde, qu’est-ce qui est d’abord investi ? Ce sont les mots. Vous ne pouvez pas ne pas reconnaître là la catégorie  du  symbolique.  Pour  Jung  les  deux  domaines  du  symbolique  de 
l’imaginaire sont complètement confondus, alors que Freud fait une stricte distinction 
entre eux.

P199 Il y a un narcissisme qui se rapporte à l’image corporelle, elle fait l’unité du sujet et nous voyons qu’elle peut se projeter de mille manières jusque dans la source imaginaire du symbolisme, qui est ce par quoi le symbolisme se relie au sentiment que l’être humain a de son corps. Ce premier narcissisme se situe au niveau de l’image réelle du schéma, pour autant qu’elle permet d’organiser l’ensemble de la réalité dans un certain nombre de cadres préformés. Chez  l’homme  la  réflexion  dans  le  miroir  manifeste  une  possibilité  noétique originale, et introduit un second narcissisme. Son pattern fondamental est tout de suite la relation à l’autre.

P200 L’autre a pour l’homme valeur captivante, de par l’anticipation que représente l’image unitaire telle qu’elle est perçue soit dans le miroir, soit dans toute la réalité du semblable. L’autre, l’alter-égo, se confond plus ou moins avec l’Ich-Ideal, cet idéal du moi toujours invoqué par Freud. L’identification du second narcissisme, c’est l’identification à l’autre qui, dans le cas normal, permet à l’homme de situer avec précision son rapport imaginaire et libidinal au monde en général. C’est là ce qui lui permet de voir à sa place, et de structurer, en fonction de cette place et de son monde, son être. Lacan préfèrera rapport libidinal à rapport ontologique car le sujet voit son être dans une réflexion par rapport à l’autre, c’est à dire par rapport à l’Ich-Ideal. Les fonctions du moi jouent un rôle fondamental d’une part dans la structuration de la réalité et d’autre part dans cette aliénation fondamentale que constitue l’image réfléchie de soi-même, qui est l’Ur-Ich ; la forme originelle de l’Ich-Ideal aussi bien que du rapport avec l’autre.

Idéal du moi et moi-idéal

 

P211 Nous pouvons dire qu’une personne a érigé en elle un idéal auquel se mesure son  moi  actuel,  tandis  que  l’autre  en  est  dépourvu.  La  formation  d’un  idéal conditionnerait donc pour le moi le refoulement. C’est vers ce moi-idéal que va maintenant l’amour de soi, dont jouissait dans l’enfance le moi réel.

 

P219  Le  leurre  de  la  parade  animale  présente  les  mêmes  correspondances imaginaires que lors du test du miroir ; la coïncidence de l’image avec un objet réel la renforce, lui donne corps, incarnation. Chez l’homme il y a comme un jeu de cache-cache entre l’image et son objet normal (fragmentation, éclatement, morcellement dans les névroses et les perversions) ; comment pouvons-nous dès lors nous représenter le mécanisme par où cette imagination en désordre arrive finalement, quand même, à remplir sa fonction ?

P222 Supposons que l’inclinaison du miroir est commandée par la voix de l’autre, nous pouvons saisir que la régulation de l’imaginaire dépend de la liaison symbolique entre les êtres humains. La liaison symbolique est faite socialement de notre rapport à la loi (exemple de deux individus au commissariat, en vacances, ect.) C’est donc la relation symbolique qui définit la position du sujet comme voyant. C’est la parole qui définit le plus ou moins grand degré de perfection, de complétude, d’approximation de l’imaginaire. La distinction est faite entre le moi-idéal et l’idéal du moi : l ’idéal du moi commande le jeu de relations d’où dépend toute relation à autrui. Et de cette relation à autrui dépend le caractère plus ou moins satisfaisant de la structuration imaginaire

P223 On appelle investissement libidinal ce en quoi un objet devient désirable, c’est à dire ce en quoi il se confond avec cette image que nous portons en nous, diversement et plus ou moins structurée.