J. LACAN LE SÉMINAIRE livre X
1962-63
L'angoisse
Angoisse et manque
J. LACAN LE SÉMINAIRE
livre X
1962-63
L'angoisse
Pour Lacan, ce devant quoi le névrosé recule c'est de faire de sa castration ce qui manque à l'Autre et qui garantie sa fonction. Il interroge : Qu'est-ce qui peut assurer un rapport du sujet à l'univers des signifiants sinon qu'il y ai jouissance ? Ceci, le névrosé ne peut l'assurer qu'au moyen d'un signifiant qui manque forcément. Le sujet fait l'appoint à cette place manquante par sa propre castration. Mais coupler sa castration a la garantie de l'Autre ; voilà ce devant quoi le névrosé s'arrête !
L'homme trouve sa demeure en un trou situé dans l'Autre (Unheimlich : l’effrayant) et cette place représente l'absence où nous sommes. Pour Lacan, « en ce point heim (maison) ne se manifeste pas simplement le fait que le désir se révèle comme désir de l'Autre. Mais que le désir entre dans l'autre sous la forme de l'objet pour l'exiler de sa subjectivité. » (p.58).
La fonction du fantasme à partir du point idéal qu'est la fiction (Unheimlich) entre dans le courant efficace de l'existence pour rester à cet état de fantasme. C'est un vœu (ein Wunsh) « que l'autre s'évanouisse devant cet objet que je suis, déduction faite de ce que je me vois ». La définition de S barré est « désir de petit a comme formule du fantasme ».
Lacan pose les rapports du S barré avec le "a" en le situant différemment par rapport à la fonction de miroir du A. Il dit que ces deux façons correspondent parfaitement à la répartition de la fonction du fantasme chez le pervers et chez le névrosé.
En effet, si chez le pervers les choses sont à leurs place (le "a" est là où le sujet ne peut pas le voir), chez le névrosé, le fantasme c'est ce qui lui sert le mieux pour recouvrir l'angoisse. Car cet objet « a » qu'il se fait être dans son fantasme, « lui va à peu près comme des guêtres à un lapin ». Pour Lacan, « c'est bien pourquoi le névrosé de son fantasme n'en fait jamais grand-chose. Ça réussit à le défendre contre l'angoisse justement dans la mesure où c'est un petit « a » postiche. » (p. 60) Exemple de la Belle bouchère : « La seule chose qui intéresse là belle bouchère, c'est que son mari ait envie du petit rien qu'elle tient en réserve. » Ce petit rien est « l'appât avec lequel les névrosés tiennent l'autre. »
Le vrai objet que cherche le névrosé, c'est une demande, il veut qu'on lui demande, il veut qu'on le supplie. La seule chose qu'il ne veut pas c'est payer le prix. (…) Il veut qu'on le supplie, vous disais-je, et ne veut pas payer le prix. Alors que, s'il voulait bien donner quelque chose, peut-être ça marcherait. (p.62)
Le point de départ d'aujourd'hui est la butée sur l'angoisse de castration. En effet, le névrosé ne donnera pas son angoisse (...) et, toute la chaîne de l'analyse consiste en ceci qu'au moins, il en donne l'équivalent; qu'il commence par donner un peu son symptôme. Et c'est pour ça qu'une analyse, comme disait Freud, ça commence par une mise en forme des symptômes (…) Il vous fait une offre en somme fallacieuse, eh! bien on l'accepte. De ce fait, on entre dans le jeu par où il fait appel à là demande. Il veut que vous lui demandiez quelque chose et comme vous ne lui demandez rien, (...) lui, commence a moduler les siennes, ses demandes qui viennent là à la place heim (def : maison).
C'est dans la mesure où vous laissez sans réponse la demande qui vient ici s'articuler, que se produit quoi? L'agression. « La dimension de l'agressivité entre en jeu pour remettre en question ce qu'elle vise par sa nature, à savoir la relation à l'image spéculaire. C'est dans la mesure où le sujet épuise contre cette image ses rages, que se produit cette succession des demandes qui va toujours à une demande plus originelle historiquement parlant, et que se module la régression comme telle. » (p.63)
Ce qu'il y a de plus angoissant pour l'enfant, c'est que justement ce rapport sur lequel il s'institue du manque qui le fait désir, ce rapport est le plus perturbé quand il n'y a pas de possibilité de manque, quand là mère est tout le temps sur son dos et spécialement à lui torcher le cul, modèle de là demande, de là demande qui ne saurait défaillir. (…) Qu'est-ce que l'angoisse en général dans le rapport avec l'objet du désir qui est ce que nous apprend ici l'expérience, si ce n'est qu'elle est tentation, non pas perte de l'objet, mais justement présence de ceci que les objets ça ne manque pas ?
Économie essentielle du Désir : Jouissance de l'Autre, demande de l'Autre et désir de l'analyste.
Nous avons désigné sur ce petit schéma là place qu'occupe actuellement le - φ comme là place de l'angoisse, comme cette place que j'ai déjà désignée comme constituant un certain vide, l'angoisse y apparaissant. Tout ce qui peut se manifester à cette place, peut nous dérouter, si je puis dire, quant à là fonction structurante de ce vide.
Le Selbstbewusstsein : le sujet-supposé-savoir est considéré comme constitutif du sujet connaissant est une illusion, est une source d'erreur. Car là dimension du sujet supposé transparent dans son propre acte de connaissance, ne commence qu'à partir de l'entrée en jeu d'un objet spécifié qui est celui qu'essaie de cerner le stade du miroir : à savoir de l'image du corps propre pour autant que le sujet d'une façon jubilatoire a le sentiment, en effet, d'être devant un objet qui le rend, lui sujet, à lui-même transparent. (p.71)
L’angoisse c’est quand apparaît quelque chose qui était déjà là, cet Autre inconnu qui apparaît de manière inopinée. « Ce surgissement de quelque chose dans le champ de l'objet, qui pose son problème comme celui d'une structuration irréductible, comme surgissement d'un inconnu comme éprouvé » (par exemple la peur du noir chez les enfants) (…) « C'est ce résidu non imaginé du corps qui vient par quelque détour (…) se manifester à cette place prévue pour le manque. » (p.73) Ici, la phénoménologie du cauchemar du vécu, c'est que cet être qui pèse par sa jouissance est aussi un être questionneur (…) qui se manifeste dans la question comme telle qui s'appelle l'énigme du sphinx (Quel est l’être qui marche sur quatre pattes au matin, sur deux à midi et sur trois le soir ?) CF Freud 1901-1905 : Trois essais sur la théorie sexuelle. Pour lui, le fantasme originaire de la scène primitive est questionné très tôt par les enfants dans la formule-type: « comment on fait les bébés ? », trouve son support mythologique dans la question du sphinx à Œdipe.
Le signifiant c’est une trace, précisément effacée (...) qui se distingue du signe en ceci que le signe est ce qui représente quelque chose pour quelqu'un et le signifiant (...) c'est ce qui représente un sujet pour un autre signifiant.
Ce n'est pas seulement là propriété de l'homme que d'effacer les traces, que d'opérer avec les traces. On voit des animaux effacer leurs traces. (…) « Il y a une chose que l'animal ne fait pas, il ne fait pas de traces fausses pour nous faire croire qu'elles sont fausses. Il ne fait pas de traces faussement fausses, ce qui est un comportement, je ne dirai pas essentiellement humain, mais justement essentiellement signifiant. C'est là qu'est là limite. Vous m'entendez bien, des traces faites pour qu'on les croie fausses et qui sont néanmoins les traces de mon vrai passage, et c'est ce que je veux dire en disant que là se présentifie un sujet, quand une trace a été faite pour qu'on là prenne pour une fausse trace, là nous savons qu'il y a, comme tel, un sujet parlant. » Lacan dit que le « névrosé est celui qui couillonne tout le monde ! » Il y a t-il un rapport avec cette histoire de traces ?
« L'angoisse n'apparaît pas dans l'hystérie exactement dans là mesure où ces manques sont méconnus. (...) L’obsessionnel, lui, dans sa façon si particulière de traiter le signifiant, à savoir de le mettre en doute de l'astiquer, de l'effacer (...) opère justement dans le sens de retrouver sous le signifiant, le signe. Il rend non avenue l’inscription de l’histoire. » (p.76)
Lorsque le sujet naît, à quoi s'adresse-t-il ? Il s'adresse à ce que Lacan appelle la « forme là plus radicale de la rationalité de l'Autre. (...) et prend rang au lieu de l'Autre dans une chaîne de signifiants (...) qui constituent le seul terme de référence possible à la trace devenue signifiante.». (p.77) « Il y a donc d'abord un a, l'objet de la chasse et un A dans l'intervalle desquels le sujet S apparaît, avec la naissance du signifiant, mais comme barré, comme non-su. Tout le repérage ultérieur du sujet repose sur la nécessité d'une reconquête sur ce non-su originel : cet unbewußt (inconscient) justifié par la tradition philosophique qui a confondu le bewußt (consciemment) de la conscience avec le savoir absolu. » (p.78) Lacan parle t-il du Souverain Bien ?
L'existence de l'angoisse est liée à ceci que toute demande (...) a toujours quelque chose de leurrant par rapport à ce qui préserve la place du désir. C’est ce qui explique aussi le contexte angoissant de ce qui à cette fausse demande donne une réponse comblante. C’est pourquoi la demande de l’enfant n’est pas à prendre au pied de la lettre : « Ce que l'enfant demande à sa mère (...), c'est quelque chose qui pour lui est destiné à structurer cette relation présence-absence (fort-da) et qui est un premier exercice de maîtrise. C'est le comblement total d'un certain vide à préserver qui n'a rien à faire avec le contenu ni positif, ni négatif de la demande, c'est là que surgit la perturbation où se manifeste l'angoisse. » (p.78)
La pulsion s’écrit : pulsion $ ◊ et ce qu'il s'agit de couper c'est l'élan du chasseur : $ = coupure de D, de la demande. Le fantasme $ ◊ a se présente d'une façon privilégiée chez le névrosé comme $ ◊ D Unheimlich : phénomène inhabitable dans lequel nous habitons. L’angoisse c’est la coupure même de la présence du signifiant qui s’ouvre et laisse apparaître l’inattendu. (...) Agir c’est opérer un transfert d’angoisse.
C'est, non pas la vérité de Hegel, mais la vérité de l'angoisse qui nous mène à nos remarques concernant le désir au sens analytique.
Remarques : dans les deux formules, celle de Hegel et la mienne, dans le premier terme des formules, en haut, si paradoxal que ça apparaisse, c'est un objet, a, qui désire. S'il y a des différences, il y a quelque chose de commun entre le concept hégélien du désir et celui que je promeus. C'est à un moment le point d'une impasse inacceptable dans le procès. Selbstbewusstsein dans Hegel, c'est un objet, c'est-à-dire ce quelque chose où le sujet, l'étant cet objet, est irrémédiablement marqué de finitude, c'est cet objet qui est affecté du désir. C'est ce en quoi ce que je produis devant vous a quelque chose de commun avec la théorie hégélienne, à ceci près, qu'à notre niveau analytique qui n'exige pas 1a transparence du Selbstbewusstsein - c'est une difficulté bien sûr, mais pas de nature à nous faire rebrousser chemin, ni non plus à nous engager dans la lutte à mort avec l'Autre - et à cause de l'existence de l'inconscient, nous pouvons être cet objet affecté du désir. C'est même en tant que marqués ainsi de finitude que nous, sujets de l'inconscient, notre manque peut être désir, désir fini, en apparence indéfini, parce que le manque, participant toujours de quelque vide, peut être rempli de plusieurs façons.