J. LACAN LE SÉMINAIRE livre XII
1964-65
Problèmes cruciaux pour la psychanalyse
De la demande au désir
J. LACAN LE SÉMINAIRE
livre XII
1964-65
Problèmes cruciaux pour la psychanalyse
Dans ce séminaire, Lacan nous introduit d’emblée à la fonction du tore et de la bande de Moebus pour définir sa topologie. Un tore est une structure cylindrique suturée en deux points. Cette opération de « vectorialisation » fait passer d’un plan en deux dimensions à un plan en trois dimensions par la couture d’un « bord ». Alors, le tore né de l’introduction d’un événement temporel (V1, V2..) dans une structure qui n’était auparavant que spatiale. L’illustration de la bouteille de Klein* (* Leçon du 16/12/1964 Fig. III-8 p. 49) - centrale dans l’ouvrage - est elle aussi un tore à la différence près que « deux bords sont vectorialisés en sens contraire » (p.49) ce qui crée une surface qui se clôt sur elle-même.
L’entrée en c’ va s’insérer, se suturer sur son fond. Cette insertion ouvre en c’’ les coordonnées de notre expérience existentielle que Lacan nomme le moment de conclure. « Ce temps logique comme hâte désigne ce qui s’incarne dans le mode d’entrée dans son existence. » (p.84) Cette forme torique métaphorise « ce temps de cerner les tours et les retours, l’ambiguïté, l’aliénation et l’inconnu de la demande. « (p.84)
Cette illustration sera le support de sa topologie au fil de l’ouvrage, car les propriétés de la bouteille de Klein sont exactement les mêmes qu’une bande de Moebus « à savoir qu’il n’y a qu’une face ». Depuis ce processus basé sur « la correspondance structurale, l’enveloppement du microcosme par le macrocosme » (p.51) Lacan affirme que : « le microcosme n’est pas fait d’une partie retournée du monde (...) c’est bel et bien le dedans qui est en dehors. » La preuve d’une science née là pour lui, « elle s’inscrit là où se rompt ce parallélisme du sujet au cosmos qui l’enveloppe et qui fait du sujet, psyché, psychologie, microcosme. » (p.52)
C’est en introduisant la suture et le point de capiton ouvrant un trou, que la structure de la bouteille de Klein s’instaure. Là, ce qui est nouée, c’est la surface elle- même. Alors, ce qui était repéré comme dedans est suturé, noué à la face qui était repérée jusqu’alors comme dehors. (p.53)
Cet autre côté de la doublure découvert par la psychanalyse est l’intervalle qui fonde la correspondance de l’intérieur et de l’extérieur : l’autre scène. Et c’est au niveau de ce trou que se produisent les substitutions, glissements, escamotages du matériel signifiant passant d’une scène à l’autre. La bouteille de Klein image combien notre conscience redouble, comme une doublure interne, ce qui l’enveloppe : « Le sujet de la connaissance enveloppe l’objet du monde qu’il propose. »
Avant de développer le tracé de la demande au travers de cette forme close de la bouteille de Klein, il m’est venu à l’idée que la neuroscience définit le neurone exactement à la manière dont Lacan fait sa topologie de l’appareil psychique. C’est à dire, à la manière d’un feuillet à deux versant, dont les faces sont la fois dedans et dehors. Le cylindre de Lacan s’apparente pour moi au tube neural qui deviendra entre autres, les vésicules cérébrales primitives (mésencéphale, prosencéphale etc.)
Le schéma du processus de neurulation peut s’insérer dans ce que Lacan nomme le « commencement du processus de la formation d’un corps animal, le stade blastula après le stade morula » (p.51) dont voici le schéma de la correspondance structurale :
Cette neurulation, au fondement du processus de formation du tube neural, débute souvent avant même que la mère sache qu’elle est enceinte. C’est à partir de lui que se développeront le cerveau et la moelle épinière qui sont alors les organes les plus développés de l’embryon et qui lui donne sa forme incurvée caractéristique. À la fin de la troisième semaine, les yeux et les oreilles auront aussi commencé à se former.
« En raison de cette importance, la neurulation est considérée comme une étape fondamentale dans l'histoire de l'évolution. Les deux mécanismes principaux pour passer de la plaque neurale à la formation du tube neural sont: la neurulation primaire, dans laquelle les cellules qui entourent la plaque neurale commencent à diriger les cellules de la plaque neurale vers la prolifération, invagination et séparation et neurulation secondaire, où la formation d'un tube creux se produit de l'union des cellules mésenchymateuses. »
Il m’aura fallut un temps pour saisir le raisonnement de Lacan qui peut se synthétiser dans ce petit schéma qui part du circuit du désir :
(Quid du T : Tore ou transfert ?)
C’est parce qu’il part du circuit du désir, lui applique le tore, qu’il dessine sa topologie dans cette figure (Leçon du 20/01/1965 Fig. VI-3 p.102)
Lacan inscrit l’identification primaire « qui s’appelle idéal du moi » (p.139) sur le pourtour du cercle de rebroussement Il rappelle que « l’image du corps, le i(a), s’origine dans le sujet, dans l’expérience spéculaire, le petit a. Et que l’idéal du moi est le lieu de la fonction du trait unaire.» (p.141)
Lacan constate combien, dans la cure, les spirales de la demande et sa réversibilité essentielle offrent « les conditions, les faveurs mais aussi les ambiguïtés et donc les leurres de l’identification. » (p.101)
L’identification primaire, en tant que noyau de la formation du moi est le dernier ressort du circuit du désir (cf : schéma suivant).
L’expérience spéculaire i(a) met en scène le jeu avec cet objet a qui est, de nature, « perdu et jamais retrouvé ». Pourtant nous dit Lacan, « de temps en temps, il apparaît dans le champ avec une clarté si éblouissante que c’est cela même qui fait qu’il n’est point reconnu. » (p.111) Cet objet, Lacan le qualifie d’objet cause du désir. Et, c’est « autour du a caché dans la référence à l’autre, autour du a, tout autant et plus qu’autour de l’idéal du moi que se joue le drame des identifications du sujet. » (p.141)
Il précise, p 147, que « l’objet a dans la psychose, la perversion ou la névrose ; il y a toutes les chances que ça ne soit pas pareil. »
La Fig. VI-3 est alors une autre manière de représenter le schéma du Circuit du désir du séminaire VI – Le désir et son interprétation (p.50) : À INSÉRER
Synthèse du circuit du désir
Après les analyses d’un cas présenté par S. Leclaire, Lacan indique que ce qu’essaie de présenter la bouteille de Klein c’est la torsion, le truchement par lequel le sujet noue son désir au désir de l’Autre. (p149) Il précise : « le truchement majeur, c’est la loi, un registre tout à fait précis et articulé d’identification. (...) Il s’agit toujours de suppléer dans le transfert, par quelque identification, à ce problème fondamental, la liaison du désir avec le désir de l’Autre. L’Autre n’est pas désiré, puisque c’est le désir de l’Autre qui est déterminant, c’est en tant que l’Autre est désirant. » Ici, le manque habite à l’intérieur de l’objet a, non pas l’Autre, espace dans lequel se déploient les versants de la tromperie, mais le désir de l’Autre est là, caché au cœur de l’objet a. » (p.150)