J. LACAN LE SÉMINAIRE livre XVIII
1970-71
D’un discours qui ne serait pas du semblant
La répétition inconsciente
J. LACAN LE SÉMINAIRE
livre XVIII
1970-71
D’un discours qui ne serait pas du semblant
Introduction au titre de ce séminaire
Suite au dernier séminaire sur L’envers de la psychanalyse Lacan repart du discours du maître et de ses quatre positions : Maître, Université, Hystérique, Analyste.
Au départ, il y a une accumulation de signifiants qui sont « répartis dans le monde, dans la nature (…) parmi eux, il va y avoir en plus le corps morcelé » (p16). Les signifiants sont des « projections » du corps morcelé : « les signifiants, ce n’est pas individuel, on ne sait pas lequel est à qui » (p17). C’est une question de territoire qui définit le signifiant maître, « mais, de l’intérieur d’un territoire, on ne connaît après tout que ses propres frontières. » (p17) « Le départ est déjà lié à quelque chose qui marque le corps. » (p18)
Le semblant est-il se qui tient le discours ?
Oui, le sujet est déterminé par l’articulation signifiante, il ne maitrise pas cette articulation. « Si ce qui s’énonce est authentiquement vrai, (…) c’est comme objet de ce qui ne se produit que dans le discours que le semblant pose » (p18)
Lacan part de la Logique d’Aristote qu’il propose de prendre par sa négative : « l’usage de l’hypothétique sous la forme négative » (p19). Grace à l’usage que Freud a donné de la Verneinung, pour Lacan : « le jugement d’attribution ne préjuge en rien de l’existence, tandis que la seule position d’une Verneinung (refoulement d’après-coup) implique l’existence de quelque chose qui est précisément ce qui est nié (Bejahung). » (p19) En référence à l’Au-delà du principe de plaisir, la répétition et la jouissance forment le nœud qui va contre le principe de plaisir.
Qu’introduit de nouveau l’hypothèse freudienne ? La répétition s’exerce dans une jouissance dangereuse qui outrepasse l’excitation minimale, cette possibilité de répétition serait le retour à ce monde « en tant qu’il est semblant » (p20). C’est un « point mortel, suprême » qui nous fait confondre la mort et la non-vie. « La mort est un terme de la jouissance de la vie » (p21). La jouissance est un effet de discours, alors, c’est lorsqu’un discours « se centre de son effet comme impossible qu’il ne peut être un discours qui ne serait pas du semblant » (p21).
L’homme et la femme
« La dimension du symptôme, c’est que ça parle. Ça parle même à ceux qui ne savent pas l’entendre. » (p24)
La place en haut à gauche est celle du signifiant maître dans la fonction de son occupant donne le titre - Maître, université, hystérique, analyste- de chacun de ces discours : « c’est précisément la place du semblant » (p25). Ce qui fait le succès du discours du maître c’est « qu’il fait le lit, la structure, le point fort autour duquel s’ordonnent plusieurs civilisations. » (p25)
L’image des quatre discours est donnée par les quatre « godets dans lesquels glisse un certain nombre de terme :
- S1 : le signifiant maître
- S2 : le savoir
- a : la conséquence du discours du maître
- S barré : la vérité » (p26)
La vérité n’est pas le contraire du semblant, elle lui est « strictement corrélative, elle supporte la dimension du semblant. » (p26)
« Dans la nature, le semblant ça foisonne » (p27), et dès qu’on en croit plus que nous connaissons par la voie de la perception, il n’est plus question de l’Idée. C’est ce que la phénoménologie appelle le procès de l’Époché : la mise hors de toutes connaissances préalable à l’étant (Hegel). L’étant, pour la philosophie, est ce que Lacan nomme, lui, le réel. Il dit que pour Aristote, « le propre du réel, de l’ousia, c’est qu’elle ne peut d’aucune façon être attribuée, elle n’est pas dicible. » (p27)
Si on est nominaliste, « on doit renoncer au matérialisme dialectique (Kant) » (p28), on n’est pas non plus réaliste (philosophie du Moyen-âge) car pour nous, le réel n’est trouvé qu’en ce qu’il dépend de la fonction du semblant ». (p28) Nous désignons le réel par « l’articulation algébrique du semblant (…) ce qui est réel, c’est ce qui fait trou dans le semblant et, (…) cet impossible, c’est le réel. » (p28)
Ce qui nous concerne nous c’est le champ de la vérité et « ce quelque chose qui résiste, qui est la conséquence de notre discours, cela s’appelle le fantasme. » (p28) Dans la position opposée au discours de Maître ; le discours de l’analyste, « le petit a occupe la place du semblant, et c’est le sujet qui est en face. Cette place où il est interrogé c’est là que le fantasme doit prendre son statut. » (p29)
Le plus-de-jouir est au principe du phénomène nazi, (nous dirions aujourd’hui l'extrémisme religieux), c’est un discours qui s’adresse à l’Autre comme un Tu : « c’est l’identification à l’idole humaine (…) on ne saurait s’avancer pour renverser l’idole sans prendre sa place aussitôt après en occupant une place de martyrs [d’actualité ! ] » (p29) Cet effet d’identification repose sur l’engagement dans « le procès du discours capitaliste : un plus-de-jouir qui a la forme d’une plus-value » (p29), où chacun veut une part du gâteau…
La sexualité n’intéresse la psychanalyse que dans le rapport sexuel où il est question de semblant : « pour le garçon, il s’agit, à l’âge adulte, de faire-homme et (...) de faire signe à la fille qu’on l’est » (p32) Nous nous trouvons d’emblée placés dans la dimension du semblant. La parade sexuelle montre le caractère essentiel dans le rapport sexuel, « proprement celui d’un semblant. (…) C’est en tant qu’il y a parade que prend place et trouve son statut l’élément particulier de l’identité. (…) Le comportement sexuel humain consiste dans un certain maintien de ce semblant animal. (p32) »
La limite du discours c’est le passage à l’acte car « le discours s’efforce de faire tenir le même semblant, mais il y a de temps en temps du réel. » (p32) L’acting out « consiste à faire passer le semblant sur la scène. » (p33) Voilà pourquoi : « il n’y a pas de rapport sexuel ! » (p33)
Le caractère saisissable de l’objet petit a, vient remplir « sein, excrément, regard ou voix, la place définie comme celle du plus-de-jouir. » (p33)
Qu’est-ce que la théorie énonce ?
Le plus-de-jouir ne se normalise que d’un rapport à la jouissance sexuelle qui « ne se formule, ne s’articule que du phallus en tant qu’il est son signifiant. (…) Le phallus est très proprement la jouissance sexuelle coordonnée à un semblant, solidaire d’un semblant. » (p34)
L’identification sexuelle ne consiste pas à se croire homme ou femme mais (…) à tenir compte que pour les hommes, la fille c’est le phallus, et que c’est ce qui les châtre. Pour les femmes, le garçon, c’est la même chose, le phallus, et c’est ça qui les châtre aussi. » (p34)
Voilà le réel de la jouissance sexuelle, en tant qu’elle est détaché comme telle, c’est le phallus. Autrement dit, le Nom-du-Père. Au regard de la jouissance sexuelle, la femme est en position de ponctuer l’équivalence de la jouissance et du semblant. Pour l’homme, le semblant, c’est la jouissance. La femme, en tant que Autre, « est la présence de quelque chose qu’elle sait : que jouissance et semblant s’équivalent dans une dimension du discours.