J. LACAN LE SÉMINAIRE livre XIX

1971-72

… ou pire

L’Autre : de la parole à la sexualité


J. LACAN LE SÉMINAIRE 

livre XIX

1971-72

… ou pire

De l’un et de l’autre sexes : la petite différence 

Revenant sur la logique d’Aristote dans les Analytiques, Lacan fait la critique du syllogisme démonstratif, raisonnement qui, partir de prémisses qui ont un terme en commun tirent nécessairement une conclusion. (Exemple : tout les hommes sont mortels ; les grecs sont des hommes = tout les grecs sont mortels). Avec la théorie des quanteurs, Lacan critique la « fonction des prosdiorismes qui sont l’usage du tout, de quelque, autour de quoi Aristote fait les premiers pas de la logique formelle. » (p.13) 

 

Le pas-tout serait plutôt : 

-       le trou du système : l’endroit où le réel passe par le discours, 

-       la faille du réel qui détermine tout discours 

-       le rapport de l’inconscient à la vérité, 

-       la petite différence homme-femme où la vocation prématurée que chacun éprouve pour son sexe. 

-       La discordance : il n’est de forclusion que du dire 

 

Partant « qu’il n’y a pas de rapport sexuel », Lacan pointe trois registres de l’élaboration logique : 

 

1) Les prosdiorismes : tout, quelque 

Il ne suffit pas de nier le pas-tout pour que de chacune des deux prémisses, l’existence soit affirmée. Sans la logique du discours, « essence et existence se confondent ». Il ne suffit pas de dire que quelque ne sont pas comme si ou comme ça pour que ça les distingue. 

 

2) Le champ de la modalité : le possible, ce qui se peut 

Aristote oppose l’impossible au possible et le nécessaire au contingent. Pour Lacan, le nécessaire c’est le ne pas pouvoir ne pas et l’impossible c’est simplement l’impuissance. 

 

3) La négation : forclusion et discordance 

 

La fonction Fx 

 

Le réel est ce qui commande toute la fonction de la signifiance, « vous baignez dans la signifiance, mais vous ne pouvez pas les attraper tous en même temps, les signifiants. C’est interdit par leur structure même. » (p30) 

-       Fx : produit de la relation du signifiant à la jouissance 

« Un signifiant, ça peut être chacun de vous, précisément au niveau mince où vous existez comme sexués. Il est très mince en épaisseur mais il est beaucoup plus large en surface que chez les animaux. » (p32) Sauf quand ils sont en rut, rien ne distinguent le mâle de la femelle, alors que chez l’homme « c’est comme signifiant que vous vous sexuez. » (p32) 

 

F : fonction de castration 

« Tout les signifiants ne peuvent pas être là tous ensemble » (p 33) Un homme/ une femme sont des signifiants. 

Dans les Premières Analytiques, « Aristote débloque à plain tube » (p 34)  quand il produit la négation par la différence entre « l’homme est blanc/ l’homme n’est pas blanc » alors que dans la théorie des quanteurs le signe de la négation est plutôt mis au niveau du " : 

Légende :

$ : il existe 

$ : il n’existe pas 

" : Quanteur universel, tout 

" : pas-tout

Fx : fonction phallique

"x. Fx : « Tout homme se définit de la fonction phallique, celle-ci étant proprement ce qui obture le rapport sexuel. » (p 45) 

 

« Entre ce qui fonde symboliquement la fonction argumentaire des termes l’homme et la femme, il reste la béance de l’indétermination de leurs rapports communs à la jouissance. (…) La dénotation de l’homme tient au tous de la fonction phallique. Mais ce tous, il existe au moins un pour qui la vérité de sa dénotation ne tient pas dans la fonction phallique. (…) Au niveau d’au moins un il est possible que soit subvertie, que ne soit plus vraie la prévalence de la fonction phallique. » (p 46) 

 

$x. Fx : Il n’existe pas de x qui soit tel qu’il puisse satisfaire à la fonction phallique 

 

« Si pas-toutes les femmes n’ont affaire avec la fonction phallique, cela implique-t-il qu’il y en a qui ont affaire avec la castration ? Et bien, c’est très précisément le point par où l’homme a accès à la femme. (…) C’est à partir du moment où c’est de l’impossible comme cause que la femme n’est pas lié essentiellement à la castration, que l’accès à la femme est possible dans son indétermination.» (p 47) 

 

L’au moins-un en question, résulte d’une nécessité qui rend possible l’existence de l’homme comme valeur sexuelle. « Le possible, contrairement à ce qu’avance Aristote, c’est le contraire du nécessaire. Le ressort du possible est dans l’opposition de $x à "x. (…) C’est du réel que la femme prend son rapport à la castration, c’est ce qui nous livre le sens du pas-toutes : il n’est pas impossible que la femme connaisse la fonction phallique. À l’impossible s’oppose le contingent, c’est dans la contingence que la femme se présente en matière d’argument à la fonction phallique. » (p 48) 

 

L’Autre : de la parole à la sexualité 

"Je te demande de me refuser ce que je te donne "

Relation ternaire : Je te donne quelque chose 

« La distinction de la relation ternaire avec la relation binaire est essentiel quand on joue schématise la fonction de la parole, on trace une ligne, on vous parle, d, D, du destinataire et du destinataire et on souligne que le destinataire doit posséder le code pour que ça marche. Si il ne le possède pas, il aura à le conquérir, il aura à le déchiffrer. » (p 86) « La grammaire, à savoir cette structure trétradique que je viens de marquer comme étant essentielle à ce qui se dit, fait partie du code. » (p 86) 

« Il s’agit de savoir, non pas comment surgit le sens, mais comment c’est d’un nœud de sens que surgit l’objet a. » (p 87) 

« Mais si ce n'est pas ce que je t'offre, si c'est parce que c'est pas ça que je te demande de refuser, c'est pas ce que je t'offre que tu refuses, alors je n'ai pas à te le demander. Moyennant quoi, si j'ai pas à te demander de le refuser, pourquoi est-ce que je te le demande ? » (p 89) 

« Quand j’offre quelque chose, c’est dans l’espoir que tu me rendes. (…) C’est à dénouer chacun de ses verbes de nœud avec les deux autres que nous pouvons trouver ce qu’il en est de cet effet de sens que j’appelle l’objet a. » (p 90) 

 

« Il est clair que ce dont se fonde le discours de l'analysant, c'est justement ça, je te demande de me refuser ce que je t'offre, parce que c'est pas ça. C'est la demande fondamentale, et c'est celle que, à la négliger, l'analyste fait toujours plus prégnante. Mais la demande qu’il satisfait, c’est la reconnaissance de ceci de fondamental, que ce qui se demande, c’est pas ça. » (p 92) 

 

La partenaire évanouie 

 

« La fonction dite sexualité est définie de ceci que les sexes sont deux. (…) Ce qu'on appelle l'hétérosexualité, l’hétéros, est dans la position de se vider en tant qu'être, pour le rapport sexuel. C'est précisément ce vide qu'il offre à la parole que j’appelle le lieu de l’Autre, à savoir ce où s’inscrivent les effets de ladite parole. » (p 95) 

 

« La nécessité même de ce qui, chez l’être parlant, se produit d’unique, c’est qu’il se répète. » (p 97) « Comment universel homme se rapporte-t-il à l’universel femme ? » (p 99) 

 

« J’accentue le grand A dont je marque cet Autre comme vide. (…) Si Socrate à l’origine du discours de la science a fait venir le sujet à la place du semblant (…) c’est par haine de sa femme (à lui). » (p 99) 

 

« D’un côté, du côté mâle, il y a X qui peut se soutenir dans l’au-delà de la fonction phallique et de l’autre côté, il n’y en a pas, pour la simple raison qu’une femme ne saurait être châtrée. (…) En revanche au niveau de la fonction phallique, c’est en ce qu’au tout s’oppose le pas tout qu’il y’a chance d’une répartition de gauche à droite de ce qui se fondra comme mâle et femelle. (…) La conjonction prend valeur du fait que deux propositions peuvent être toutes deux vraies. (…) Là où il s’agit de ce qui est posé comme vrai, à savoir F de X, les universelles ne peuvent se conjoindre : la femme au regard de la fonction phallique ne se situe que de pas toute y être sujette. » (102) 

 

C’est en tant que la fonction phallique ne fonctionne pas il y a chance de rapport sexuel : L’Autre est absent à partir du moment où il s’agit du rapport sexuel.

 

« D’un côté on a l’universel fondé sur un rapport nécessaire à la fonction phallique, et, de l’autre côté, un rapport contingent, parce que la femme n’est pas toute. (…) Il faut qu’il soit deux. Zéro et un, assurément ça fait deux sur le plan symbolique, à savoir pour autant que nous accordions que l’existence s’enracine dans le symbole. C’est ce qui définit l’être parlant. » (p105) D’où la difficulté d’Aristote avec la particulière et l’universelle dont il donne l’illusion grâce a l’emploi du mot quelque

 

« Le rapport au nombre est accessible au langage si celui-ci est fondé du non-rapport sexuel. (…) La béance entre le zéro et le un implique qu’il y a quelque part un au moins un qui transcende ce qu’il en est de la prise de la fonction phallique. (…) Rien de plus dangereux que les confusions sur ce qu’il en est de l’Un. » ( p106) 

 

L’Un : qu’il n’accède pas au deux