Œuvres complètes 

- psychanalyse - vol. V : 1901

Du rêve. Psychopathologie de la vie quotidienne

Œuvres complètes - psychanalyse - 

vol. V : 1901

Psychopathologie de la vie quotidienne

Du rêve

Sur la psychopathologie de la vie quotidienne
Une prémonition onirique accomplie (1899)


Dans cette brève restitution du rêve d’une malade en préambule de son ouvrage, Freud démystifie le contenu du rêve. Là où l’opinion populaire semble, elle, tenir à la croyance que les rêves ont un sens parfois prédicatif - ici le rêve d’une rencontre à venir qui se  réalise  effectivement-  Freud  lui,  nous  entraine  sur  la  compréhension  du  rôle  de « personne-couverture » joué par les personnages de la scène onirique.

Dans ce rêve « prétendument prophétique »  Mme B. croise le Dr K. qu’elle n’a pas  vu depuis très longtemps, elle dira l’avoir effectivement croisé dans la rue le lendemain. Vingt cinq ans auparavant durant une période malheureuse pour la patiente, un évènement se  produisit ; alors qu’elle espérait la venue de l’homme qu’elle aimait, au même moment  celui-ci ouvrit la porte et se présenta. Pour Freud cette rencontre réelle  est « l’unique fondement de la conviction qui est la sienne que ce rêve s’est réalisé.» Le personnage du Dr K. est, dans la réalité, intimement en connexion avec les émois de cette "période malheureuse-heureuse" dans laquelle il lui fut d’un grand soutien et le rêve refoulé au réveil ne serait réapparu à la conscience qu’après la véritable rencontre du docteur car il aura mobilisé des souvenirs liés à cette période passée.

Ainsi, dira t’il, « la création onirique après coup, qui seule rend possibles les rêves prophétiques, n’est en fait rien d’autre qu’une forme de processus de censure, qui permet au rêve de pénétrer jusqu’à la conscience. » (p.13)


La littérature scientifique sur les problèmes du rêve.

En des temps préscientifiques les hommes voyaient dans les rêves l’expression d’une entité divine, ils le tenaient pour une information soit bienveillante soit hostile de puissances supérieures, dieux et démons. Avec l’éclosion du mode de pensée scientifique, toute cette mythologie s’est transposée en psychologie ; le rêve est aujourd’hui entendu en tant qu’opération psychique propre au rêveur. Au premier temps de notre intérêt pour le rêve se trouve la question de sa signification, question qui enferme un double sens. Elle interroge tout d’abord sur la signification psychique du rêve, sur sa position par rapport à d’autres processus psychiques et sur une éventuelle fonction biologique de celui-ci. Deuxièmement elle se demande si le rêve est interprétable.

Trois directions s’opposent : les philosophes verront dans l’état particulier dans lequel l’homme vie sa vie onirique, un état à célébrer comme ascension vers un niveau supérieur de l’être. À l’inverse, les auteurs médicaux soutiennent que les excitateurs du rêve sont exclusivement des stimuli sensoriels et corporels : la conception somatique de la genèse du rêve correspond de bout en bout à l’orientation de la pensée dominante aujourd’hui dans la psychiatrie. L’opinion populaire, elle, semble tenir à la croyance que les rêves ont un sens (annonce de l’avenir par exemple) et les méthodes d’interprétation ici consistent soit à substituer au contenu du rêve un autre contenu, fragment par fragment, soit à substituer à la totalité du rêve une autre totalité, avec laquelle celui-ci se tient dans une relation de symbole. Une position médiane adoptée par certains auteurs notera que dans la plupart des rêves il y a une collaboration entre des stimuli corporels et les déclencheurs psychiques du rêve inconnus, ou identifié comme des intérêts diurnes.

La méthode d’interprétation du rêve

Freud identifie deux méthodes d’interprétation des rêves issue de la pensée profane : l’interprétation symbolique qui appréhende le contenu du rêve comme un tout et tente de le remplacer par un contenu différent, compréhensible et à certains égards analogue. L’autre variante de la méthode populaire, très éloignée de la première,  est la méthode de chiffrage traite le rêve comme une sorte de texte secret dans lequel chaque signe est traduit selon une clef fixe en un autre signe de signification connue. Freud affirmera dès lors que pour un traitement scientifique du sujet, on ne peut douter le moindre instant du caractère inutilisable de ces deux procédés ; la méthode symbolique est d’application limitée (...) Quant à la méthode du chiffrage, tout dépendrait alors de la fiabilité de la « clé » (...), et en l’espèce, les garanties font défaut. On serait alors tenté de donner raison aux philosophes et aux psychiatres, et d’évacuer avec  eux le problème de l’interprétation du rêve comme une tâche purement imaginaire.

L’avancé de la pensée freudienne concernant la méthode psychanalytique lui permet d’explorer l’origine et la genèse des formations psychopathologiques : " Depuis des années je m’emploie, dans une perspective thérapeutique, à résoudre certaines productions psychopathologiques (...) je sais que pour ces formations perçues comme des symptômes de maladie, résolution de la maladie et solution de l’énigme ne font qu’un. Selon lui c’est de la psychothérapie que découlera la méthode dont il s’est servi pour résoudre le problème du rêve : mettre au jour les chemins de pensée, cachée à la conscience, par lesquelles les idées morbides se nouent au reste du contenu psychique équivaut à dénouer ces symptômes et a pour conséquence la maîtrise de l’idée jusqu’alors impossible à inhiber.

Dans la méthode d’interprétation du rêve, il n’est pas possible de prendre pour objet de l’attention le rêve pris comme un tout, mais seulement des composantes partielles de son contenu. Freud se rapproche ici de la méthode populaire du « chiffrage », il s’agit comme dans cette dernière d’une interprétation en détail et non en masse. Le rêve comme (...) un conglomérat de formations psychiques.

Le rêve est une satisfaction de désir

Freud distinguera trois catégories de rêves ; les rêves sensés et compréhensibles, les rêves qui, tout en étant cohérents et de sens clair produisent un effet déconcertant, enfin ceux auxquels manquent et le sens et l’intelligibilité, qui apparaissent comme incohérents. Contraint d’admettre que le contenu latent du rêve était difficile d’accès à l’analyste, Freud supposera qu’il existe une corrélation intime et régie  par  une loi entre le caractère inintelligible et confus du rêve et les difficultés que soulève la communication des pensées du rêve. En notant que le contenu du rêve est plus court que les pensées dont il est le substitut, Freud précise que l’analyse met à jour une circonstance peu importante du soir précédent le rêve comme étant l’excitateur du rêve lui-même.

Les rêves d’enfants, par exemple, sont de type sensé et non déconcertant et ne visent rien d’autre que l’accomplissement d’un désir (exemple : le panier de cerise, la balade au lac ou le lit trop petit.). Chez l’adulte aussi il existe nombre de rêve de type infantile qui offrent le plus souvent de maigre contenu, ici un rêve où ils boivent par exemple tend à éliminer la sensation de soif ressentie durant la nuit. Lorsque la nécessité de se réveiller laisse place au rêve d’être déjà levé, d’être en train de faire sa toilette ou d’être déjà au bureau, Freud nommera rêve de confort ces rêves exprimant l’expression d’un désir de manière directe. Cependant, les rêves d’adulte, rarement aussi transparents que ceux des enfants peuvent cacher encore un autre sens que celui de l’accomplissement d’un désir. Il n’est pas rare qu’un fragment se détache avec une netteté particulière d’un rêve assez long. Fragment qui comporte un irrécusable accomplissement de désir mais soudé à un matériel différent, inintelligible. Quand bien même nous nous faisons à l’idée que tout rêve a un sens et une valeur psychique, il nous faut encore laisser ouverte la possibilité que ce sens ne soit pas le même dans chacun des rêves : réalisation de désir dans l’un, crainte, réflexion ou simple reproduction de souvenirs dans d’autres. Pour Freud, le rêve montre le désir comme déjà accompli ; il figure cet accomplissement comme réel et présent, et le matériel de la figuration onirique est constitué entres autres de situations et d’images sensorielles. C’est ce qui définit le travail su rêve : une pensée qui se formule à l’optatif (ah si seulement je pouvais-) est substituée à une vision au présent. (p.72)

 
La défiguration onirique

En refusant de généraliser l’idée selon laquelle tous les rêves sont des rêves de satisfaction de désir, Freud introduit nombres de rêves où l’on reconnait un contenu des plus pénibles. (p.173) Dans son propre rêve « La table d’hôte » Freud fait apparaître qu’à une chose désagréable le rêve substitue l’exact contraire : Or à quel désir une expérience désagréable peut elle plus aisément donner naissance qu’à l’idée de l’évènement contraire ? Il existe un désir tout à fait analogue entre l’amère pensée (...) et les propos de ma femme [dans le rêve]. Freud pose les questions : Comment des rêves pénibles et des rêves d’angoisse peuvent-ils être satisfactions de désirs ? Pourquoi le rêve ne dit-il pas directement ce qu’il signifie ? Quelle est l’origine de cette défiguration onirique ?

Les réponses révèlent ce que Freud nomme l’essence de la conscience : la prise de conscience est pour nous un acte psychique spécifique, distinct et indépendant du processus par lequel quelque chose est posé ou représenté mentalement (...) (p.184). Ici le phénomène de défiguration onirique qui, en déguisant un contenu désiré par un contenu pénible, marque pour Freud l’existence de deux instances psychiques : on se demandera simplement en quoi consiste l’autorité de cette deuxième instance, en vertu de laquelle elle a le droit d’exercer sa censure. Si nous nous souvenons que les pensées latentes du rêve ne sont pas conscientes avant l’analyse, tandis que le contenu onirique manifeste qui procède d’elles est dans le souvenir conscient, on n’est pas loin de pouvoir admettre que le privilège de la deuxième instance pourrait être précisément l’accès autorisé à la conscience. (p.184)

En pénétrant plus avant dans l’analyse du rêve, en notant les pensées dont on retrouve la trace au réveil, on ne peut douter que le travail du rêve a réalisé une condensation remarquable (p.74). Aucune lecture ne peut se faire de manière unilatérale dans l’analyse de contenu, les fils associatifs mis en jeu partent chacun dans des directions multiples ; pas une situation qui ne soit faite d’un assemblage de deux impressions et de deux expériences, ou d’avantage. Le matériel qui se voit dès lors comprimé pour former la situation du rêve doit être à priori disponible pour cet usage et il faut pour cela la présence d’un ou plusieurs éléments communs dans tous les composants. Les détails contradictoires s’effaçant en quelque  sorte  réciproquement.  C’est  ce  processus  qui  explique  aussi,  en  partie,  les déterminations flottantes qui s’énoncent dans le récit du rêve par « ou bien - ou bien ». Cet indéterminé sera substitué dans l’interprétation par l’alternative « et », on prendra alors chaque membre de cette apparente alternative comme point de départ indépendant d’une série d’idées incidentes.

À côté de la transformation d’une pensée en une situation (la « dramatisation »), la condensation constitue le caractère le plus important du travail du rêve et celui qui lui est le plus propre.

 

Le déplacement du rêve

Le caractère central de ce processus relève de l’intensité psychique des contenus du rêve. Par exemple, un certain matériel psychique pouvant prétendre à être reconnu d’importance majeure ne sera soit pas du tout remplacé dans le contenu du rêve soit seulement par une allusion lointaine dans une région insignifiante du rêve. Freud décrira ce fait : Pendant le travail du rêve, l’intensité psychique passe des pensées et représentations auxquelles elle convient légitimement à d’autres qui à mon sens, ne peuvent prétendre à une telle mise en valeur. (p.84)

L’intensité psychique se transpose en vivacité sensorielle ; ce qu’il y a de plus nette apparaît au rêveur comme élément important alors que c’est justement dans ce qu’il y a de plus indistinct que l’on peut reconnaitre le rejeton le plus direct de la pensée essentielle du rêve. Déplacement = transvaluation des valeurs psychiques. Lorsque l’on recourt à l’analyse, il ne fait aucun doute que le rêve poursuit nos intérêts de la veille (le jour du rêve). L’impression à laquelle incombe le rôle d’excitateur du rêve peut être si importante que nous ne nous étonnons pas de nous en occuper à l’état de veille. (p.86) Toutefois, une bonne partie du mépris qu’inspire le rêve découle de ce que son contenu favorise ainsi ce qui est indifférent et sans valeur dans la vie de veille. L’analyse de détruire ce faux-semblant sur lequel ce jugement dédaigneux se fonde. Si, au lieu de l’impression à bon droit excitante, l’impression indifférente parvient à se faire admettre dans le contenu du rêve, ou au lieu du matériel à bon droit intéressant le matériel indifférent, il faut voir là uniquement des effets du travail de déplacement.


L’exemple donné par Freud concernant son allusion au rêve d’Irma, premier rêve analysé en détail par Freud (L’interprétation des rêves, 1900a p.99-112)- concerne la formation d’un compromis entre deux cercles de représentations (amylène+propylées=propylène) ayant pénétré dans le contenu du rêve par une condensation et un déplacement simultanés.


Les procédés de figuration

L’habillage inhabituel des premières pensées du rêve frappent par le non usage que l’on fait généralement à l’état de veille de certaines formes linguistiques. Figurées au contraire par des comparaisons et des métaphores presque poétiques, ce contenu du rêve consiste en situations visualisables. Elles doivent donc recevoir une accommodation qui les rende utilisables pour ce mode de figuration.Le matériel psychique des pensées du rêve proviennent du matériel infantile, les souvenirs d’évènements qui ont fait impression ont été saisis le plus souvent avec leur contenu visuel. C’est cette partie constitutive des pensées qui exerce une cristallisation, par son effet d’attraction et de réparation, sur le matériel des pensées du rêve. La situation du rêve serait dès lors principalement la répétition d’un tel évènement qui a fait sensation à laquelle viendraient s’inclure des bribes d’images visuelles sans lien entre elles, des discours, des fragments de pensée qui n’ont subi aucun changement. 

 

Sur la psychopathologie de la vie quotidienne

De l’oubli comme méprise, de la méprise de parole, de la méprise du geste, de la superstition et de l’erreur

Oubli de noms propres

Pour Freud, cet oubli signe la défaillance d’une fonction psychique : la remémoration. A celui qui s’efforce de retrouver le nom qui lui a échappé viennent à la conscience d’autres noms substitutifs qui s’imposent  avec obstination. Ce déplacement supposera une corrélation décelable. Partant de son analyse propre, il déchiffre le processus qui lui aurait permis de refouler un certain souvenir : la mort d’un patient à cause d’un trouble sexuel incurable (cf les mœurs turcs concernant la sexualité/ le tout pouvoir des médecins/ parler de ces sujets avec des étrangers). Il dira : « je voulais donc oublier quelque chose d’autre que le nom du maître d’Orvieto, mais cet autre chose parvint à se mettre dans une liaison associative avec son nom » « la répugnance à me remémorer se dirigea contre un des contenus », « les noms substitutifs (...) m’avertissent que de ce que je voulais remémorer et me montrent que mon intention d’oublier n’a ni totalement réussi, ni totalement échoué. »

Freud précise que, dans cet exemple, ne souhaitant parler avec un étranger de certaines choses, il aurait « distrait son attention de tout ce qui se rapporterai des sujets mort et sexualité » car « soumit à l’influence de la réminiscence » d’un patient récemment décédé des suites d’un trouble sexuel incurable. Enfin à côté du simple oubli de nom propre dit accidentel, se rencontre aussi un oubli qui est motivé par le refoulement qu’il nomme « de mobile psychique » (p. 82) Cet empêchement de laisser pénétrer dans la conscience certaines chaînes associatives provient dès lors du lien préalablement crée entre une chaîne de pensées et un nom « de sorte que mon acte de volonté à manquer son but de sorte que j’ai oublié le nom d’Orvieto alors que je voulais intentionnellement oublier l’autre chose. » Le désir de ne pas se souvenir portait sur un contenu, l’impossibilité de se souvenir s’est manifesté par rapport à un autre. Selon Freud, le cas serait plus simple à élucider si le désir et la déficience se rapportaient au même contenu. Les oublis de noms de substitutions trouvent alors toute leur place « ils m’avertissent tout autant de ce que j’ai oublié que de ce que je voulais me souvenir. » Le nom qui s’établit alors prend en compte se qui veut rester tût (mort-sexualité) un schéma concret déchiffrera les incidences du nom Signorelli en tant qu’objet ayant subit un déplacement sans égard ni pour le sens ni pour la délimitation acoustique des syllabes. C’est une « proposition transformée en rébus. »

En résumé, les conditions pour que se produisent l’oubli d’un nom avec fausse réminiscence sont : « une certaine tendance à oublier ce nom, un processus de refoulement ayant eu lieu peu de temps auparavant et la possibilité d’établir une association extérieure entre le nom en question et l’élément qui vient d’être refoulé. »

Oubli de mots d’une langue étrangère

En analysant l’oubli, Freud recherche les contenus latents des cheminements de la pensée. Habitué à opérer cette analyse pour son propre compte, il reconnait l’importance d’en apprécier le matériel chez un sujet extérieur en particulier non souffrant : « le matériel considérablement plus riche que me fournissent mes patients névrosés, je cherche à l’éviter parce que je ne peux pas ne pas redouter l’objection que les phénomènes en question sont précisément des résultats et des manifestations de la névrose.» (p.91) L’exemple cité dans ce chapitre concerne l’oubli du mot latin aliquis, qui, une fois corrélé aux pensées du sujet vient s’apparenter au refus d’avoir des nouvelles d’une femme de crainte que celle-ci n’est pas eu ses règles : « vous avez bel et bien fait du miracle de saint Janvier une superbe allusion aux règles de la femme. » (p.90)

Cette analyse d’un cas d’oubli sans remémoration substitutive confirme à Freud que « l’émergence ou l’absence de souvenirs substitutifs inexacts ne peut être que le fondement d’une différentiation essentielle. Si dans l’exemple « Signorelli » la remémoration était perturbée par « l’effet ultérieur d’un cheminement de pensée » qui avait déjà débuté et que entre le thème du mot refoulé et le thème du nom oublié « existait seulement une contiguïté spatiotemporelle (...) suffisante pour se mettre en liaison (...) extérieure.» (p.93) Dans l’exemple aliquis au contraire « la perturbation de la reproduction se produit ici depuis l’intérieur du thème abordé, du fait que s’élève inconsciemment une contradiction avec l’idée-souhait présentée dans la citation. » (p.92)

Oubli de noms et de suites de mots

Concernant, par exemple, des formules ou des poésies que l’on a quelques temps auparavant apprises par cœur, Freud cite le poème « La fiancée de Corinthe » (Goethe) pour lequel le sujet de l’expérience procède à un remplacement d’une suite de mots. En cherchant plus en avant sur les motifs de cette substitution Freud dira « dans mon effort pour remonter à la cause d’une lacune (...), je suis venu à me trouver en présence de circonstances profondes, intimes, associés chez mon interlocuteur à des sentiments pénibles. »

Lapsus, oubli, impuissance psychique sont des processus « mis au service de notre prudence lorsque que nous sommes sur le point de succomber à un désir impulsif. » Ce qui semble commun aux différentes situations d’oubli, « c’est que les mots publiés se trouvent mis en rapport, en vertu d’une association quelconque, avec une idée inconsciente dont l’action visible se manifeste par l’oubli. » Le nom oublié touche « de près à ma personne », il « frôle chez moi un complexe personnel », en effet entre le mot et ma personne on pourrait signifier un « rapport latéral.» (Exemple de la troisième auberge de villégiature et son complexe professionnel/ exemple du nom de la gare et son complexe familial.)

 

Oubli de noms ayant pour but l’oubli d’un projet

Dans l’exemple d’un homme qui rencontre une femme anglaise, celui-ci ne parvient pas à se souvenir du mot gold (même consonance en allemand) il se voit obliger de lui signifier en touchant la bague qu’elle porte. La signification de cet oubli se trouve dans le « désir qu’on les amoureux de se sentir, d’entrer en contact direct ainsi qu’il renseigne l’autre sur ses intentions érotiques dissimulé derrière le masque innocent de l’oubli. » Dans le cas de l’oubli en tant que symptôme hystérique, le mécanisme est très éloigné de celui des actes manqués classiques. Dans l’exemple d’une patiente, Freud dira que « le symptôme d’oubli de nombreux noms propres lui servi à faire ressortir son ignorance (...) comme une forme de reproche adressé aux parents - ne pas avoir voulu lui donner une instruction supérieure : vous n’avez fait de moi qu’une femme de chambre ! »

En résumé, le mécanisme de l’oubli passager de noms consiste dans « l’obstacle de la remémoration du à la survenue d’idées étrangères et inconscientes - nom troublé/complexe perturbateur- qui agit soit dans un rapport préexistant soit dans un rapport qui s’établit selon des voies artificielles, à la faveur d’associations extérieures. Prit dans des réseaux de pensées distinctes (familial, professionnel, personnel) un même mot appartient à plusieurs réseaux à la fois. Il ne peut donc souvent rentrer en rapport uniquement avec un seul ensemble d’idées données car « il en est empêché du fait qu’il participe à la fois d’un autre complexe plus fort. Le désir d’éviter un sentiment désagréable suscité par un souvenir est un motif fort à la difficulté de remémoration, soit « à cause d’eux-mêmes soit à cause d’associations éloignées. » L’oubli de noms est « contagieux à plusieurs degrés » et la personne à qui on a induit l’oubli le retrouvera elle, plus rapidement. Cet oubli collectif n’a pas encore fait l’objet de recherches psychanalytiques.

 

Souvenirs d’enfance et souvenirs couverture

Comme la mémoire doit opérer un choix entre les souvenirs passés et les évènements qui s’offrent à elle, Freud dira que nous sommes obligés de convenir que ce choix s’effectue dans l’enfance d’après d’autres critères de maturité que ceux de l’âge adulte. Il conviendra enfin qu’il s’agit avant tout d’un déplacement ;  les éléments insignifiants seront conservés à la défaveur d’autres plus importants affectivement. Le contenu ici refoulé justifie le nom de souvenirs-couverture que l’auteur leur attribue : « Ce seraient des souvenirs-couverture anticipants ou déplacés vers l’avant. » (p.126)

La question du rôle des souvenirs-couverture dans les divers processus de pensée névrotique est remise à plus tard tandis que ce qui intéresse le travail de Freud est le lien existant entre l’oubli de noms et la formation de ces mêmes souvenirs-couverture. « La seule chose qui m’importe est de mettre en relief la similitude existant entre l’oubli de noms propres accompagné de remémoration manquée et la formation de souvenirs-couverture. » (p.126)

La principale distinction de ces deux orientations se situe en ce que dans un cas il s’agit du fait d’oublier et dans l’autre c’est la tâche de conserver des souvenirs de choses réellement vécues. « L’énigme semble avoir dans les deux cas une orientation tout autre : là, c’est le fait d’oublier, ici celui d’être conservé qui éveille notre curiosité scientifique. » (p.127)
Le mécanisme mis à jour serait la tendance externe à faire venir tel souvenir ou à s’opposer à tel autre. Freud dira qu’on à tort d’accepter l’idée d’une amnésie infantile « nous oublions de quelles motions de sentiments tellement compliquées est capable un enfant de quatre ans (...) et nous devrions franchement nous étonner que la mémoire des années ultérieures ait en règle générale conservé si peu de choses de ces processus animiques (...) ces réalisations d’enfance oubliées n’ont certes pas glisser sans laisser de traces sur l’évolution de la personne, mais ont exercé une influence déterminante pour toutes les années ultérieures. » (p.128) Dans nos souvenirs d’enfance, nous nous remémorons visuellement « nos contours avec nos vêtements » (p.129) comme si le souvenir se constituait à partir de notre seule personne propre, loin des évènements extérieurs. Ceci conduit Freud à postuler l’idée que les souvenirs sont toujours des reconstitutions d’après-coup : « nous possédons non pas la véritable trace mnésique mais son élaboration ultérieure » (p.130)  Il  donne l’exemple d’un jeune homme de vingt quatre ans racontant son souvenir d’apprentissage de l’alphabet, particulièrement de la distinction «n-m» (on entend haine-aime) et rattache se souvenir à l’élaboration d’après-coup de la différence des sexes. Sa propre analyse du souvenir du coffre (p.131) vient étayer son hypothèse sur la reconstitution après-coup du souvenir d’enfance, entres autres ici, durant la période œdipienne, la venue d’un petit frère vécue dans la rivalité avec son frère aîné : « contre ce frère sont dirigés (...) cet autre encore d’avoir su introduire dans le ventre maternel l’enfant tout juste né. » (p.133)

 

La méprise de parole

Appuyée de différents exemples, Freud déduit que le lapsus provient de l’utilisation d’un mot en tant que substitut de deux chaînes associatives distinctes : « la perturbation du discours (...) peut être causée par l’influence d’un autre constituant de ce même discours - anticipation phonique - ou bien par une seconde version à l’intérieur de la phrase (...) qu’on a l’intention de formuler. » (p.137)

Dans la formation du contenu manifeste des rêves à partir des pensées de rêve latentes, une ressemblance entre les choses ou les représentations verbales de deux éléments des matériaux inconscients, fournis le prétexte à la formation d’une troisième représentation : mixte ou de compromis  qui « se présente pourvue de propriétés contradictoires (...) la formation de substituts et de contamination dans le lapsus est aussi un commencement de ce travail de condensation dont nous constatons qu’il prend part (...) au rêve. » (p.140) De ces deux catégories de méprise de parole (oubli-substituts) comment opérer une séparation rigoureuse ? L’action par contact de son ne peut être une donnée suffisante pour justifier l’erreur de langage, « je trouve toujours (...) une action perturbatrice ayant sa source en dehors du discours qui provient soit d’un mobile psychique d’ordre général qui s’oppose à l’ensemble du discours, soit par une idée unique restée inconsciente qui se manifeste par le lapsus. » (p.143)


Actions symptomatiques et fortuites


Les actes des derniers chapitres concernent la réalisation d’une intention inconsciente qui se présentait comme des actes troublés par d’autres actes intentionnels dissimulés par méprise. Ici, les actions symptomatiques n’ont pas besoin de prétexte, elles se produisent pour elles-mêmes et sont admises car « on ne leur soupçonne ni but ni intention. » Ces actes expriment quelque chose que l’auteur de l’acte ne soupçonne pas et qu’il a généralement l’intention de garder pour lui. La limite qui sépare les actes symptomatiques des méprises est faible. (Exemple de la coupure à l’annulaire le jour d’anniversaire de mariage). Le premier type d’actes symptomatiques concerne l’habitude de jouer avec sa montre, de se tirailler la barbe etc. Ceux-ci se confondent avec différents tics. Le second type concerne le griffonnage, pétrissage de mie de pain, faire sonner la monnaie dans la poche, etc. « le traitement psychique découvre un sens auquel est refusé un autre mode d’expression. »

Les actes symptomatiques dont on trouve une variété inépuisable aussi bien chez l’homme sain que chez l’homme malade fournisse au médecin des indications précieuses « elles révèlent à l’observateur profane tout ce qu’il veut savoir, même parfois plus que ce qu’il ne désir.»