Œuvres complètes

 - psychanalyse - vol. XIV 

 1915-1917

Leçons d'introduction à la psychanalyse

Œuvres complètes - psychanalyse - 

vol. XIV : 1915-1917

Leçons d'introduction à la psychanalyse

L'acte manqué : un compromis

Les opérations manquées

Introduction

Comme a son habitude, Freud débutant sa communication d’introduction, émet ses réserves quant a la difficile appréhension de son enseignement en psychanalyse « et les difficultés qui s’opposent a l’acquisition d’un jugement propre. » (p.10) Faire le choix du métier d’analyste comporterai même selon son sens de l’ironie le risque d’un échec professionnel cuisant auquel se surajoute l’incompréhension et  le jugement sans ménagement de toute une société « il ruinerai toute possibilité de réussite universitaire (...), il se trouvera dans une société qui ne comprend pas ses efforts » (p.10) S’adressant principalement a des médecins se satisfaisant de leur savoir médical « je crains que vous ne soyez obligés d’abandonner a ceux que vous méprisez tant, médecins profanes, praticiens de la thérapeutique naturelle et mystique, une part de l’influence thérapeutique a laquelle vous aspirez. (...) ce qui manque c’est l’aide  d’une science philosophique qui pourrait être mise au service de vos visées médicales. » (p.15)  La  définition de l’animique par la psychologie est un « processus qui ressort au sentir, au penser, au vouloir ».  Pour Freud, « il y a du penser inconscient et du vouloir insu.» (p.16) Opposant la « froide scientificité » aux pures motions pulsionnelles, Freud rappelle ce pour quoi la psychanalyse est en elle même tant sujet a la critique, car l’homme doit transformer ses pulsions sexuelles en les détournant de leur but originel -la satisfaction de besoins immédiats- pour qu’existe une société humaine. La culture ne s’ancre que dans ce contrôle du pulsionnel et, c’est parce que « la société ne croit pas qu’il y est plus grande menace pour sa culture que celle qui émanerait de la libération des pulsions sexuelles et de leurs retour a leurs buts originels (...) qu’elle ne supporte pas ledit résultat de la recherche psychanalytique. » (p.17)

 

Les opérations manquées

Ces actes de la vie psychiques naissent de l’action antagoniste de deux visées distinctes entre des tendances perturbatrices et celles qui sont perturbées. « L’intention perturbatrice dans la méprise de parole peut se trouver dans une relation de contenu avec l’intention perturbée, elle contient alors une contradiction avec elle, une correction ou un complément par rapport a elle. Ou bien l’intention n’a rien a voir quant au contenu. » (p.59) L’opération manquée c’est la présentation du conflit entre deux tendances incompatibles. Ces opérations manquées naissent donc de l’interférence de deux intentions distinctes, « mais de plus que l’une de ces deux intentions doit avoir subi un certain repoussement, la détournant de son exécution pour pouvoir s’exprimer par la perturbation de l’autre intention. » (p.63) Il s’agit en réalité du résultat d’un compromis ; une demi-réussite ou un demi-échec. Dans l’acte manqué Freud traite aussi de la perte d’objet en tant que « sacrifice volontaire » et suppose que chez des êtres non désirés ou conçus hors mariage une plus grande disposition a abîmer ou perdre des objets se dévoile dans l’analyse. Il dira : « point n’est besoin pour ce résultat de la grossière technique des faiseuses d’ange ; une certaine négligence dans l’attention apportée aux soins de l’enfant sera largement suffisante. Pour la conservation des objets, cela pourrait bien se passer comme pour celle des enfants. » (p.76)

 

Le rêve

« Marchons sur les traces des interprètes de l’antiquité »

 

« Pourquoi la vie d’âme ne s’endort t-elle pas ? Vraisemblablement parce que quelque chose ne laisse pas de repos a l’âme. » (p.82) Citant G. TH. Fechner Freud suppose que « la scène sur laquelle se déroule les rêves est une autre scène que celle de la vie de représentation vigile. » (p.88) « Les rêves comme les individus peuvent n’apparaître qu’une seule fois et ne plus jamais revenir, ou bien se répéter chez la même personne, sans modifications ou avec de légères variantes. » (p.89)

 

Difficultés et premières approches

 

Dans ce chapitre Freud cherche si il existe un point de départ physiologique à l’élaboration du contenu du rêve. Invoquant les stimuli interne (le rêve comme traduction en image du vécu organique) ou externe (traduction des sons entendus pendant le sommeil en images spécifiques) il conclue «  je crois que vous êtes, comme moi, fatigués de poursuivre des tentatives comme celles que nous venons de faire. (...)  La psychologie expérimentale ne nous a rien apporté, sinon quelques données très appréciables sur la signification des stimuli comme incitateurs de rêve. » (p.96) Freud parle tout d’abord des rêves diurnes dans lesquels on « fantasie, on ne vois pas mais on pense » il s’agirait aujourd’hui de l’utilisation du terme de fantasme dans sa particularité pulsionnelle ou de rêverie a l’état de veille dans sa composante plus générale.

Ce cours de la pensée quotidienne, chargé de nos impressions, de nos représentations et de nos désirs, Freud dit « qu’ils marchent avec le temps et en reçoivent une estampille temporelle (...) ils sont la matière première de la production poétique car c’est a partir de ces rêves diurnes que le poète crée, au moyen de certaines transformations, de certains déguisements et renoncements, les situations qu’il introduit dans ses nouvelles, ses romans, ses pièces de théâtre. » (p.97)

 
Présuppositions et technique de l’interprétation

En énonçant deux premières hypothèses de travail sur la signification du rêve, Freud avertit le lecteur que la psychanalyse en tant que science débutante ne dissimulera pas ses hésitations et son cheminement. A ceux que les errements propres a cette méthode empirique rebutent, il conseille de ne pas le suivre « quiconque trouve tout cela trop laborieux et trop incertain (...) n’est pas obligé de nous accompagner plus avant. » (p.101)

La première hypothèse pose le rêve en tant que phénomène animique et non somatique. La seconde présuppose que le rêveur sait ce que signifie son rêve sans savoir qu’il le sait. » (p.101) « Ce qui est possible pour l’oubli des noms doit forcément pouvoir aussi réussir dans l’interprétation du rêve, rendre accessible, à partir des associations s’y attachant la chose-propre qui reste retenue. D’après l’exemple de l’oubli des noms, nous pouvons bien supposer que les associations a propos de l’élément du rêve seront déterminées aussi bien par l’élément du rêve que par la chose-propre inconsciente correspondant a celui-ci. Nous aurions ainsi produit quelques pièces pour justifier notre technique. » (p.112)

 

Contenu du rêve manifeste et pensées de rêve latentes

 

Pour travailler a l’interprétation du rêve trois règles sont a suivre :
1/ Ne pas se soucier de ce que le rêve semble vouloir dire,
2/ Restreindre notre travail a éveiller des représentations substitutives
3/ Attendre que l’inconscient se présente de lui-même.

 

Le rêve même remémoré de façon partiel intéresse ce que Freud nomme la chose-propre, il est un substitut déformé de la chose-propre « si notre souvenir a été infidèle, il a simplement procédé, sur ce substitut, a une nouvelle déformation qui peut d’ailleurs ne pas être  immotivée. » (p.114) Afin de lutter contre  les  résistances  a  l’interprétation, il  est nécessaire d’observer la règle du rejet des objections couramment admises a son encontre « elle est trop dénuée d’importance, trop insensée, elle ne relève pas du sujet, elle est trop désagréable a communiquer. » (p.115)

La chaîne associative menant du substitut a la chose-propre est dépendante « des grandeurs variables de la résistance ; lorsque la résistance est faible, le substitut n’est pas très éloigné de l’inconscient une grande résistance par contre entraîne de grandes déformations de l’inconscient et par la même un long cheminement en arrière pour aller du substitut a l’inconscient. » (p.117) Le lien qui unit l’élément manifeste et l’élément latent est a rechercher par la voie de l’association libre et le fil des idées incidentes. « Le premier n’est pas tant une déformation du second qu’une présentation figurée de ce dernier, une mise en image plastique et concrète qui a pour point de départ l’énoncé littéral. » (p.121)

 

Rêves d’enfants

1/ Pour comprendre ces rêves on n’a pas besoin d’analyse ni d’appliquer une technique, le rêve est la réaction de la vie d’âme dans le sommeil a l’expérience vécue du jour. 
2/ Il s'agit d'opérations animiques complètes et a part entière. 
3/ Ces rêves sont exemptes de déformation.

4/ C’est la marque non déguisée d’un vécu du jour où un désir, un souhait, un regret n’a pas été liquidé.


La censure de rêve

 

« Omission, modification, redistribution du matériel sont les effets de la censure du rêve et les moyens de sa déformation. La censure de rêve elle-même est l’auteur ou l’un des auteurs de la déformation. » (p.143)

 

Traits archaïques et infantilisme du rêve

Si l’amnésie infantile ne laisse en souvenir a l’âge adulte que des épisodes semblant banals, dénués d’importance, « par les procès de condensation et de déplacement l’élément important est représenté dans le souvenir par quelque chose d’autre qui paraît dénué d’importance » que Freud a nommé des « souvenirs-couverture » (p.207) Ce sont ces impressions de l’enfance devenues latentes, inconscientes peuvent émerger justement dans les rêves. Pour explication a la censure du rêve, Freud invoque des motions de souhait mauvais issu d’un passé proche ; «  on peut montrer qu’un jour elles ont été connues et conscientes, même si elles ne le sont plus aujourd’hui. » (p.208) Le souhait « d’élimination du parent du même sexe (...) est également présent dans la vie de veille, il peut devenir conscient en prenant le masque d’un autre motif. Cette hostilité s’efface derrière des motions plus tendres par lesquelles elle est réprimée, elle doit attendre qu’un rêve l’isole en quelque sorte. » (p.212)

Freud parle désormais de la concurrence amoureuse des premiers âges de la vie sous sa forme la plus sexuée et précise que la mise a jour du complexe d’Œdipe par la psychanalyse, ne lui a pas valu la reconnaissance qu’elle méritait. Ce fait « reconnu par la légende grecque est pourtant une fatalité inéluctable. » (p.213)

Dans le développement de la vie sexuelle infantile il faut préciser qu’elle s’écarte du normal sur les points suivants « le franchissement de la barrière de l’espèce, l’outrepassement de la barrière du dégoût et celle de l’inceste, l’appartenance au même sexe et le transfert du rôle génital a d’autres organes et lieux du corps» (p.214) Le travail du rêve réveille « l’ancienne surpuissance du moi, les motions initiales  de notre vie sexuelle, » (p.215)  tout cet infantile ancien est la substance même de notre vie inconsciente.

 

Troisième partie : doctrine générale des névroses

 

Psychanalyse et psychiatrie


Dans le cheminement théorique de Freud, l’insistance qu’il pose a légitimer ses positions va de paire avec son expérience clinique, ouvert à la critique avec laquelle il débat depuis de longues années il précisera en préambule à ce nouveau chapitre de sa doctrine générale des névroses et contre le « fourvoiement » de ses détracteurs « seul à finalement droit à la conviction celui qui, comme moi, a travaillé de longues années sur le même matériel et a ainsi vécu lui-même les mêmes expériences nouvelles et surprenantes » (p. 252) « Lorsque vous aurez acquis un jour une conviction au prix d’un travail aussi difficile, vous bénéficierais aussi d ‘un certain droit à tenir à cette conviction avec quelque opiniâtreté. » (p.253) Pour Freud sa « franchise » se veut être un retour régulier fait au public explicitant les remaniements de sa doctrine et déplore qu’elle ai été utilisé a des fins de controverses contre lui « le déclarant de ce fait indigne de confiance » (p. 254)

En relatant un cas, Freud précise les motifs d’une action thérapeutique : « le symptôme s’impose comme quelque chose de significatif (signifiant), il est lié a une intense souffrance subjective, il menace objectivement la vie commune d’une famille » (p.258) Il définit ici l’idée délirante en trois points : une  idée riche de sens, une réaction de consolation, enfin la réalisation d’un fantasme inconscient. Pour montrer que psychanalyse et psychiatrie ne sont pas opposés, Freud rappelle que si de grandes découvertes médicales ont pu avoir lieu, c’est sans compter le dépassement de l’interdit premier de disséquer des cadavres. La psychanalyse elle, nécessite pour évoluer, le dépassement de cet interdit  moral de disséquer les processus inconscients.

 

Le sens des symptômes

 

Névrose de contrainte

 

« La capacité de déplacement de tous les symptômes, loin de leur configuration originelle, est un caractère majeur de la maladie.» (p.268) Après l’étude de deux cas, Freud dira « plus le symptôme revêt  une forme individuel plus nous pouvons établir une corrélation [avec l’expérience de vie du malade]. La tâche consiste alors à découvrir, pour une idée dénuée de sens et une action dénuée de fin, la situation passée dans laquelle l’idée était justifiée et l’action conforme à une fin. » (p.279) Si « les symptômes typiques semblent s’opposer à ce qu’on les ramène facilement a leur histoire (…) la possibilité demeure qu’ils remontent  à  une  expérience  de  vie  qui  est  en  soi  typique,  commune  à  tous les hommes. » (p.280)

 

Névrose traumatique

« Tout se passe comme si ces malades n’étaient pas venu à bout de la situation traumatique, comme si celle-ci était encore devant eux, telle une tâche actuelle non maîtrisée. » (p.285) Freud précise que c’est du point de vue économique que cet événement traumatique altère le fonctionnement de  la vie psychique «  un surcroît de stimulus tellement fort (…) que l’élaboration échoue d’où ne peuvent que résulter des perturbations durables dans le fonctionnement énergétique. » (p.285) « Toute névrose contient une fixation mais toute fixation ne conduit pas à la névrose » (p.286) « Un modèle exemplaire de fixation affective à quelque chose de passé est le deuil qui lui même implique qu’on se détourne du présent et de l’avenir. »

 

Résistance et refoulement

La psychanalyse a débuté a la fin de l’hypnose car celle-ci, abaissant les défenses de la conscience vigile,  n’empêche pas qu’elles surviennent a nouveau à la fin du procédé. La résistance psychique comprend tout a la fois la critique, le jugement sur ses propres pensées que l’intellectualisation ou la volonté de savoir. La règle fondamentale doit agir en tant que « point d’attaque de la résistance.» (p.298) Ces résistances existent comme des particularités de caractère, ces attitudes du moi, mobilisées pour  combattre les modifications auxquelles on aspire ont été formées en corrélation avec les conditions de la névrose et en réaction contre les revendications de celle-ci. Le présupposé théorique à l’origine du symptôme est « un processus animique qui n’aurait été mené a son terme (…) jusqu'à pouvoir devenir conscient. » (p.304) Il est donc un substitut de ce qui n’a pas eu lieu.