J. LACAN LE SÉMINAIRE livre VII
1959-60
L'éthique de la psychanalyse
Angoisse et théorie de l'attachement
J. LACAN LE SÉMINAIRE
livre VII
1959-60
L'éthique de la psychanalyse
Qu'est ce que das Ding ?
Ce séminaire emprunte tant à la richesse théorique de l’œuvre de Freud qu’à la mythologie grecque, à l’histoire des religions et de la politique les dimensions constitutives de l’Être dans son rapport au désir.
En prenant le séminaire par la fin, l’articulation que Lacan fait entre le désir de l’être et la Chose (das Ding) s’éclaire. Il entend en effet traiter de l’éthique de la psychanalyse au regard de l’acmé de la crise de l’éthique (p. 93) des suites de l’incidence du poids de la raison depuis la Critique de la raison pratique d’E. Kant (1788). Ce poids du principe éthique implique la prévalence du devoir envers et contre tout bien conçu comme vitalement désirable. L’impératif moral est un Tu dois inconditionnel qui n’est rien d’autre pour Lacan que l’impossible où nous reconnaissons la topologie de notre désir (p. 364).
Pour lui c’est parce que l’économie désirante ne se soutient que du manque que le Souverain bien est un leurre. Il dit : le pas est fait, au niveau du principe de plaisir, par Freud, de nous montrer qu’il n’y a pas de Souverain Bien – que le Souverain Bien, qui est das Ding, qui est la mère, l’objet de l’inceste, est un bien interdit et qu’il n’y a pas d’autre bien. (p. 85) Nous verrons plus tard la définition des « biens en soi » qu’en donne Aristote dans le chapitre intitulé : Du bien et du bonheur.
La Chose se situe alors dans le rapport qui met l’homme en fonction de médium entre le réel et le signifiant, elle est précisément ce qui du réel pâtit du signifiant (p. 142). Cette Chose sera dès lors toujours représentée par un vide (p. 155) que la religion, elle, s’évertuera à éviter. À l’image du buisson ardent duquel surgit la parole décisive entendue par Moïse le Midianite : « Je suis ce que je suis, c’est à dire un Dieu qui se présente comme essentiellement caché. » (p. 204) Pour Lacan si le buisson ardent c’était la Chose de Moïse (p. 205) c’est parce que le principe de plaisir règle par une loi de leurre (p. 143) la spéculation humaine. Que cette Chose en tant qu’elle est voilée est représentée par autre chose dans les retrouvailles de l’objet perdu.
Dans le champ du désir, c’est la religion qui se met aux services des biens et ce sera pour l’éternité que Dieu tiendra ferme à sa comptabilité ! Il me vient ici l’exemple d’une patiente psychotique de confession musulmane pour qui la loi du leurre, inopérante, prenait la forme d’un effroi dans le réel lorsqu’elle disait : « Je sais que je serai puni à errer pour l’éternité dans les feux de l’enfer puisqu’il est inscrit dans le Livre que je dois prier et que je n’y parviens pas. »
La sublimation : Un pont entre relation imaginaire et das Ding
Depuis cette introduction sur la Chose, Lacan pose le problème de la sublimation en nous encourageant à lire "freudiennement" le rapport à l’objet dans sa dimension narcissique. En revenant au principe fondamental de la relation imaginaire, Lacan dira que l’objet s’introduit pour autant qu’il est perpétuellement interchangeable avec l’amour qu’a le sujet pour sa propre image. (p. 117) La formation du mirage du moi l’Ich-Ideal et de l’idéal du moi l’Ideal-Ich entraîne le sujet dans une dépendance à sa propre image idéalisée. C’est dans cette relation de mirage entre l’objet tel qu’il est structuré par la relation narcissique et das Ding (p. 117) que Lacan situe la sublimation quand les sublimations collectives agissent, elles, comme des colonisations imaginaires du champ de la Chose.
La sublimation est alors l’ensemble des éléments a, des éléments imaginaires servant la symbolisation du fantasme qui viendront leurrer le sujet au point de la Chose. Comme l’indique la phénoménologie d’Heidegger, à la différence de l’animal l’essence même de l’existence humaine se temporalise en tant que projet jeté qui a à se transmettre à elle-même les possibilités dont elle hérite. Sans cette prise en responsabilité de son existence l’homme a à demeurer à la merci des circonstances et des évènements en tant qu’être promis à la mort. Ici, une jeune patiente souffrant de cet état de fait que l’homme est un mortel dira n’être que « dans l’attente de sa mort ainsi que de celle de ses proches. »
À l’époque où il écrit l’objet et la Chose (janvier 1960), l’évolution de la théorie analytique est dominée par l’existence de l’école kleinienne. C'est le moment où une autre théorie d'envergure émerge sur laquelle Lacan jette un regard critique : la théorie de l'attachement. Son articulation, reconnaît Lacan, est d’avoir mis à la place centrale de das Ding, le corps mythique de la mère. (p.127) Il s’agirait d’envisager ici la sublimation en tant qu’effort de réparation symbolique des lésions imaginaires apportées à l’image fondamentale du corps maternel. (p. 127) Pour autant que ces théories ne servent pas directement les avancées topologiques et métapsychologiques de la psychanalyse, Lacan leur reconnaît pourtant la tentative d’aborder l’attachement du sujet à l’objet fondamental le plus archaïque dont sa conceptualisation de das Ding donne, elle, le cadre.
Sublimation et formation de symptômes : l'école kleinienne
Cherchant à concevoir spécifiquement ce qu’est la sublimation, Lacan se rapporte aux travaux de M. Klein[1] cités par E. Glover en 1931 dans The International Journal of Psycho-Analysis. Glover[2] donne une définition concise de ce qu’a été la sublimation jusqu’en 1923 : « Un processus psychique inconscient en vertu duquel le but de la pulsion sexuelle est modifié avant qu’un objet vienne la satisfaire. » (p. 1) Pour l'auteur la sublimation est exigée par la même instance du moi qui pousse au refoulement, mais la quantité de sublimation n’est pas nécessairement en proportion directe de la force de cette exigence. La tâche qui consiste à opérer une sublimation est, comme pour le refoulement, une activité du moi. Le lien général de la sublimation au refoulement est celui d’une auxiliaire, en ce qu’elle satisfait les attentes du moi sans entraîner le refoulement, mais le refoulement existant n’est pas perdu pour autant. Une forme de sublimation partage, selon l’auteur, avec le refoulement le mécanisme du contre-investissement. (p. 9)
Il met ensuite en évidence la très haute valeur de défense des résistances dissimulées par la sublimation ainsi que l'importance du mécanisme de rationalisation (p.4) présent dans ses observations cliniques. Pour lui, ces réactions s’efforcent de dissimuler l’angoisse et la culpabilité qui avoisinent l’intérêt des patients pour les activités culturelles. Il dira par exemple : « Je souligne simplement le fait que l’angoisse peut être détectée soit directement, soit à travers des réactions protectrices en rapport étroit avec les processus de sublimation. Et, qu'en plus de l’angoisse qui accompagne les activités sublimatoires, c’est souvent que s’y associent, de façon marquée, des attitudes réactives. » (p.5)
Ici, nous dit Glover, nous sommes devant l’éventualité que les sublimations fassent partie de formations psychiques plus vastes ressemblant à des symptômes. (p.6) Il citera l’enchaînement obsessionnel : formation réactionnelle + retour du refoulé + formation de défense. Là, pour lui, la dimension de réparation des sublimations soulignée par Melanie Klein et Ella F. Sharpe présente de nettes ressemblances avec les formations obsessionnelles à cause du mécanisme d’annulation.
Pour Glover, dans la sphère sociale et culturelle il ne s’agit cependant pas seulement d’une question de technique obsessionnelle. Car, « chaque fois que des conducteurs ou des substitutions se trouvent associés à une certaine quantité d’angoisse, nous avons aussi les ingrédients essentiels d’une formation phobique. » (p.6)
La sublimation comme valeur adaptative : les inhibitions névrotiques de l'enfance
Glover rapporte ce que Mélanie Klein, dans son travail sur les inhibitions névrotiques de l’enfance, propose comme troisième conception possible du rapport de l’angoisse à la sublimation. Ici, « le déplacement de l’affect (sous la forme d’angoisse) du refoulé vers les tendances du moi s’opère même dans le refoulement réussi, le déplacement s’effectue par identification (plus tard symbolisme) et l’activité du moi en question comporte un certain degré d’investissement libidinal primaire. L’angoisse ne se montre pas directement, mais se manifeste sous forme d’inhibitions.» (p.10)
Les derniers développements de Mélanie Klein soulignent le fait que, « en raison de l’angoisse issue de la frustration et des fantasmes à propos des organes sexuels parentaux, l’identification à des objets non sexuels est stimulée, l’angoisse est alors déplacée vers des intérêts du moi appropriés. Ce déplacement a une valeur d’adaptation parce que, grâce à l’identification (le symbolisme), les énergies sont transférées à des tendances du moi. Mais le degré d’angoisse reste important. Si l’angoisse primaire est en excès, elle empêche le symbolisme et, par conséquent, la capacité de sublimer (c’est-à-dire le transfert de l’intérêt). Si, toutefois, le transfert de l’angoisse est en excès, il est susceptible de finir en inhibition de l’activité du moi (sublimation). » (p.10)
Pour Glover, la première reconstruction théorique du déroulement des événements n’est pas entièrement satisfaisante, en partie parce qu’elle se sert d’une théorie de l’angoisse désormais abandonnée et aussi parce que les rapports entre refoulement, sublimation et formation du symptôme sont assez schématiques, dépendant çà et là de l’emploi de termes tels que refoulement ou sublimation « non réussis ». Mais les découvertes cliniques ne sont pas contestables, à savoir que lorsque les inhibitions sont analysées, des quantités d’angoisse sont libérées, les inhibitions se surimposent à des sublimations existantes et le transfert de l’intérêt et de l’angoisse a lieu en suivant les axes du déplacement.
La sublimation pour Lacan : un problème éthique
Pour Lacan, le fait que la sublimation soit créatrice de valeurs socialement reconnues impose de la considérer avant tout en tant que problème éthique. Dans ce sens, il se réfère à la perspective kantienne dont la formule du devoir s'oppose selon lui à sa propre conception de das Ding.
Dans les Fondements de la métaphysique des mœurs [3], Kant conçoit en effet le devoir à l'égard d'autrui comme un "impératif catégorique" et non "hypothétique". Il conseille par exemple d’agir uniquement d’après cette maxime : Ne fais aux autres que ce que tu ne te ferai à toi-même ! Quand la clinique montre combien la voie de la haine envers le moi est un itinéraire si facile d’accès, on commence déjà légitimement à s’interroger !
Dans cette Première section intitulée Passage de la connaissance rationnelle commune de la moralité à la connaissance philosophique, la seconde proposition d’E. Kant est : « Une action accomplie par devoir tire sa valeur morale non pas du but qui doit être atteint par elle, mais de la maxime d’après laquelle elle est décidée ; elle ne dépend donc pas de la réalité de l’objet de l’action, mais uniquement du principe du vouloir d’après lequel l’action est produite sans égard à aucun des objets de la faculté de désirer. »
C'est donc pour E. Kant, uniquement la bonne volonté qui serait fondatrice de la loi morale commune à tous les hommes. Il dira : « L’intelligence, le don de saisir les ressemblances des choses, la faculté de discerner le particulier pour en juger, et les autres talents de l’esprit, de quelque nom qu’on les désigne, ou bien le courage, la décision, la persévérance dans les desseins, comme qualités du tempérament, sont sans doute à bien des égards choses bonnes et désirables. Pour Kant, une volonté est dès lors souverainement estimable en elle-même et doit être bonne indépendamment de toute intention ultérieure.
Voici la liste des devoirs qui donnent à la conduite humaine sa valeur morale selon l'ontologie d'E. Kant:
- Conserver sa vie est un devoir,
- Être bienfaisant, quand on le peut, est un devoir
- Assurer son propre bonheur est un devoir (au moins indirect)
- Aimer son prochain, même son ennemi est un devoir.
Pas de loi morale sans sublimation de l'objet
Pour Lacan, Kant ne semble pas prendre en compte ce que Freud nomme la survalorisation de l'objet (Überschätzung) et que lui appelle sublimation de l'objet (dans l'amour fusionnel par exemple). Il rappelle aux philosophes que, ce qui dirige l'être dans ses actions quotidiennes est empreint des traces en nous du rapport à l'objet qui ne sont pas concevables sans les antécédents historiques du sujet (p.130). Freud lui, accentue la différence qu'il y a, quant à la fonction de l'objet, entre sublimation et idéalisation, pour autant que l'idéalisation fait intervenir l'identification du sujet à son objet, alors que pour Lacan, « la sublimation est tout autre chose. » (p.132)
En effet, la sublimation qui apporte au Trieb une satisfaction différente de son but est précisément ce qui révèle la nature propre au Trieb en tant qu'il n'est pas purement instinct, mais qu'il a rapport avec das Ding comme tel, avec la Chose en tant qu'elle est distincte de l'objet. (p.133) Encore selon lui, nous avons pour nous guider la théorie freudienne des fondements narcissiques de l'objet, de son insertion dans le registre imaginaire. L'objet -pour autant qu'il spécifie les directions, les points d'attrait de l'homme dans son ouvert (Umwelt), pour autant que l'intéresse l'objet en tant qu'il est plus ou moins son image, son reflet- cet objet, précisément, n'est pas la Chose, pour autant elle est au cœur de l'économie libidinale. (p.133) D'où sa formule de la sublimation : « la sublimation élève un objet à la dignité de la Chose. » (p.133)
Lacan nous renvoie à la lecture fondamentale en la matière de l'article de S. Bernfeld publié en 1931, intitulé Pour une théorie de la sublimation [4] où S. Bernfeld affirme que les jugements de valeur (que les concepts d'Arts, de Religion, de Sciences etc.. recèlent) sont le résultat de n’importe quel destin des pulsions.
La sublimation désigne en ce sens le résultat et absolument pas le processus de sublimation. Or le processus de sublimation joue un rôle important dans la totalité des processus complexes (tels que : transposition, compulsion à la répétition, phénomène d'identité de la forme etc.) dont le résultat est la sublimation.
Bernfeld pose alors cette question générale : comment l’homme en tant qu’être pulsionnel au même titre que le chimpanzé parvient-il à se débarrasser du corps maternel lors du sevrage et comment s’enracine-t-il dans la culture du groupe dans lequel il est né ? (p.185)
Pour y répondre voyons cet enracinement comme l’inscription dans la loi symbolique et cherchons ce qui, chez Aristote permet de penser la question de la vertu.
Sublimation suite : Conception aristotélicienne du bien et du bonheur
L’enseignement de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote [5] marque une rupture dans le monde grec du VI e siècle. Si les théologues de son temps n’employaient que des mots qu’ils étaient seuls à comprendre Aristote lui, désire que son discours s’adresse à la communauté universelle des hommes. C’est dans ce sens que son discours sera fondé sur le principe de raison et que, dès lors, il procédera par démonstration logique en déterminant le pourquoi des choses.
Aristote débute dans le chapitre Du bien et du bonheur en cherchant à définir les biens en soi. Rappelons que pour Lacan La Chose est distincte de l’objet et que cette Chose est au cœur de l’économie libidinale. Enfin, que la sublimation, parce qu’elle apporte au trieb une satisfaction différente de son son but, élève l’objet à la dignité de la Chose. Pour Aristote la question est de savoir comment des choses qui caractérisent le bonheur telles que les honneurs, la pensée et le plaisir peuvent être appelées des biens ? Sont-elles comprises sous cette appellation parce qu’elle viennent toutes d’une seule origine ou parce qu’elles tendent toutes à un seul but ? (p.47) À en croire la théorie lacanienne c’est bien l’opération de sublimation qui ferait le pont entre ces deux questionnements.
Suivons Aristote pas à pas dans sa hiérarchie des biens lorsqu’il prétend que le Souverain bien relève de certaines potentialités. Ainsi, dit-il, la fonction propre de l’homme serait l’acte de l’âme conforme à la raison. (p.53) Dans le chapitre VII il dira que e bonheur est une certaine activité de l’âme conforme à la vertu (p.61) tout en précisant que cette vertu dépend de l’âge du sujet ou en tout cas de la « jeunesse par le caractère. » Car chacun juge de ce qu’il connaît de la vie et qu’en ce domaine le bon juge est celui qui n’est pas enclin à ses passions et qui retire de la politique non des connaissances pour lui-même, mais des actions profitables à tous.
Aristote semble admettre la théorie de l’inconscient freudien car il distingue déjà deux parties dans sa théorie de l’âme : l’une douée de raison et l’autre qui en est privée. (p.71) Si la forme de ce clivage ne lui importe pas, il associe à cette part irrationnelle de l’âme une puissance végétative qui se nourrie du sommeil car dit-il ni l’homme de bien ni le méchant n’ont rien, dans le sommeil, qui puisse les faire se distinguer l’un de l’autre. (p.72) Dans cette part irrationnelle de l’âme donc, si la faculté végétative ne participe pas en quoi que ce soit de la raison, la partie appétitive et, plus généralement, la partie désirante y participe dans une certaine mesure en ce sens qu’elle peut entendre la raison et lui obéir. (p.74)
Si le bien suprême est le bonheur, le bien-vivre et la réussite conditionnent le fait d’être heureux. Aristote, comme Platon se questionne sur la marche à suivre : partir des principes ou remonter aux principes ? Il dira qu’il faut partir des choses connues pour concevoir le bien comme le bonheur. Les principaux type de vie (politique, intellectuelle et contemplative) renvoient à différentes idées du bonheur.
Les biens sont l’objet d’une multiplicité de sciences par exemple dans la guerre il y a la stratégie, dans la maladie il y a la médecine etc. Nous pouvons distinguer et séparer les biens en soi des biens qui servent simplement à procurer ceux-là. (p.46) Dans toute action, dans tous choix le bien c’est la fin car c’est en vu de la fin qu’on accomplit toujours le reste. Le Souverain bien lui, est une chose parfaite, définitive (p.50) et il en résulte que si il y a une seule chose qui soit une fin parfaite elle sera le bien que nous cherchons (l’objet retrouvé ?) Ce qui est absolu c’est donc ce qui est désirable pour soi-même et non en vue d’autre chose et le bonheur semble être - à un degré suprême - une fin de cet ordre car nous le choisissons toujours pour lui-même et non en vue d’une autre chose. En ce sens l’honneur, le plaisir ou toutes vertus quelconque sont des biens que nous choisissons pour eux-mêmes en pensant que c’est par leur intermédiaire que nous pensons devenir heureux.
Il y a là chez Aristote la croyance selon laquelle le bonheur consiste à se suffire à soi-même dans le sens de parvenir à vivre sans une recherche excessive du bonheur, des honneurs, de la richesse etc.. Ne faut-il pas pour autant reconnaître ce qui nous manque pour chercher à approcher son désir ? Il semble qu’ici la description des biens que poursuit Aristote serve une recherche logique visant à dégonfler l’égo d’un imaginaire leurrant.
Définir le bonheur comme étant la fonction propre de l’homme implique de définir aussi la fonction de l’homme en dehors de toutes ces activités particulières. En laissant de côté la vie de nutrition, de croissance, la vie sensitive. Il reste la vie pratique au sens ou elle possède la raison et l’exercice pratique de la pensée. L’activité de l’âme qui n’existerai pas sans la raison c’est l’excellence dans l’exercice de la fonction. Dès lors, le bien pour l’homme consiste dans une activité de l’âme en accord avec la vertu, voire avec la plus excellente et la plus parfaite d’entre elle et cela dans une vie accomplie à son terme. (p.61)
On ne peut pas ici ne pas entendre ce que Lacan pointe du Malaise dans la civilisation Freudien, en particulier l’injonction moraliste : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ! » Car, dans la recherche d’Aristote sur ce qu’est la vertu, il n’y a dans l’âme que trois éléments : les passions, les affections, les facultés (p.88) et cette vertu est précisément un mode d’être dans l’amour du prochain…
[1] M. KLEIN, « Infant Analysis », International Journal of Psycho-Analysis, 1926, VII, p.31. [Voir aussi « L’analyse des jeunes enfants » (1923), in Essais de psychanalyse, 1921-1945, Paris, Payot, 1968. (N.d.T.)][2] Edward GLOVER, « Sublimation, substitution et angoisse sociale (Partie 1) », Essaim 2016/1 (n° 36), p. 7-26.[3] Emmanuel KANT, Métaphysique des mœurs, II, trad. Alain Renaut, Paris, Flammarion, 1994[4] Siegfried BERNFELD, 1931, Claude Lorin « Pour une théorie de la sublimation », Recherches en psychanalyse 2004/1 (no 1), p. 179-188.[5] ARISTOTE. Éthique à Nicomaque. Traduction de J. Barthélémy Saint-Hilaire, revue par Alfredo Gomez-Muller. Première édition par la Librairie Générale Française, Paris. 1992.